Le grand tétras (Tetrao urogallus) se reproduit de plus en plus tôt, des Pyrénées à la Norvège

Emmanuel MÉNONI (OFB – DRAS) Texte co-écrit avec Joy COPPES (FVA Wildtierinstitut Arbeitsbereich Waldvögel), Robert MOSS (Station House, Écosse), Per WEGGE (Norwegian University of Life Sciences)

Étant donné que nos zones d’études s’échelonnent le long d’un fort gradient latitudinal, du 42° au 60° parallèle, et que le glissement phénologique observé n’est pas homogène, mais plus lent aux latitudes extrêmes qu’aux latitudes intermédiaires, nous discuterons de l’effet de la latitude sur cet effet des changements climatiques sur le sort des populations de grand tétras d’Europe du Nord, d’Europe moyenne et des Pyrénées. En nous appuyant sur des données déjà publiées relatives à la dynamique des populations et au succès reproducteur (Moss et Oswald, 2001 ; Wegge et Rolstad, 2017), nous rechercherons les conséquences biologiques possibles de ce phénomène sur le sort des populations de grand tétras, dont la population pyrénéenne, une des plus méridionales du monde.

Le grand tétras est une espèce parapluie en régression et sous surveillance étroite dans tous les pays de son aire de répartition, qui s’étend de l’Espagne à la Sibérie centrale. C’est un bon indicateur de l’état de ses habitats, les forêts boréales, et sous des latitudes moins élevées, les forêts de montagne. Cet oiseau se reproduit selon un mode particulier, la constitution d’arènes ou leks, sur lesquels les mâles établissent une hiérarchie en s’accaparant de petits territoires symboliques. Les femelles visitent ces leks sur une courte période lorsqu’elles sont fécondables, pour s’accoupler. Le suivi des populations s’appuie entre autre sur le dénombrement des mâles sur les leks, durant lesquels on note la présence de femelles actives et disponibles pour l’accouplement. Différentes équipes européennes ont notées que la visite des femelles sur les leks était de plus en plus précoce, de même que les accouplements. Nous avons mesuré le glissement en précocité de la période de la reproduction dans sept zones d’études suivies depuis plusieurs décennies : sud de la Norvège, centre-est de l’Ecosse, Forêt Noire, Vosges, Jura, Pyrénées centrales françaises (Ménoni et al., 2020) et Pyrénées catalanes espagnoles. On note une avancée significative des accouplements dans toutes ces populations, mais pas à la même vitesse. La vitesse du déplacement du pic de reproduction est la plus rapide dans la Forêt Noire (-0,54 jours/an) suivie des Vosges (-0,45 jours/an), du Jura (-0,42 jours/ an), de l’Ecosse (-0,33 jours/an), des Pyrénées centrales françaises (-0,28 jours/an), des Pyrénées espagnoles (-0,13 jours/an) et enfin du sud norvégien (-0,12 jours/ an) (figure 2.8).

On s’attend à ce que la phénologie de la végétation détermine le moment de la période de reproduction ; toutefois, des données phénologiques détaillées ne sont pas disponibles pour toutes les zones d’étude. Les conditions météorologiques affectent la phénologie de la végétation, c’est pourquoi nous nous concentrons sur la variation annuelle et les changements des conditions météorologiques printanières. Des données météorologiques à haute résolution sont disponibles pour toutes les zones d’étude, par exemple via les bases Chelsa ou Worldclim. Ces ensembles de données météorologiques comprennent également des prévisions pour l’avenir. Étant donné que nos zones d’études s’échelonnent le long d’un fort gradient latitudinal, du 42° au 60° parallèle, et que le glissement phénologique observé n’est pas homogène, mais plus lent aux latitudes extrêmes qu’aux latitudes intermédiaires, nous discuterons de l’effet de la latitude sur cet effet des changements climatiques sur le sort des populations de grand tétras d’Europe du nord, d’Europe moyenne et des Pyrénées. En nous appuyant sur des données déjà publiées relatives à la dynamique des populations et au succès reproducteur (Moss et Oswald, 2001 ; Wegge et Rolstad, 2017), nous rechercherons les conséquences biologiques possibles de ce phénomène sur le sort des populations de grand tétras, dont la population pyrénéenne, une des plus méridionale du monde.

Figure 2.8. Variations du pic de reproduction du grand tétras durant les 40 dernières années dans sept zones d’études allant de la Norvège aux Pyrénées espagnoles. Les Pyrénées françaises sont en bleu-vert (North Central). (Source : voir auteur de la contribution)