Focus sur les fortes urbanisation et artificialisation en Occitanie

Bertrand SCHATZ (CNRS – CEFE)

L’urbanisation (en tant qu’augmentation surfacique dédiée aux habitations et à leurs réseaux de dessertes) est consommatrice d’espaces aux abords des villes. Elle est associée à une pollution généralisée (sol, air, eau), à une pollution sonore et à la production d’éclairage nocturne. L’artificialisation est plus globale car elle englobe la création d’espaces commerciaux et industriels, de routes, de ZAC et d’aménagements divers ; elle est ainsi très consommatrice d’espace naturels et créatrice de fragmentation entre les milieux naturels. Entre 1990 et 2018 en Occitanie, la surface des sols artificialisés a augmenté de 52 %, alors que celle des milieux naturels a diminué de 8 %, celle des zones humides de 3 %, et celles des forêts et des terres agricoles de chacune 2 % (figure 2.10). Cette artificialisation globale induit des îlots de chaleur et complique la gestion urbaine de l’eau (imperméabilisation, inondation, mauvais écoulements) alors que la récupération des eaux de pluies pourrait être source de résilience (voir chapitre-enjeu Milieux urbanisés et chapitre-enjeu Eau).

Le nombre d’habitants en Occitanie a augmenté de plus de 45 000 par an entre 2011 et 2017, avec deux tiers des communes régionales ayant doublé leur densité de population dans les 50 dernières années. Même si la densité de population est de 81,5 habitants/ km² en 2020, bien en deçà de la moyenne nationale (119,3 habitants/ km²), l’Occitanie est ainsi la deuxième région de France métropolitaine possédant la plus forte croissance démographique après la Corse. Il faut distinguer l’état des lieux avec une forte présence humaine sur le littoral et en région toulousaine, et l’évolution récente surtout autour de Toulouse et de Montpellier (et dans une moindre mesure autour de Perpignan et sur le littoral Gardois), donc avec de profondes disparités entre les territoires (figure 2.11). Cette artificialisation est plus importante dans les départements à faible densité de population ; ainsi la surface artificialisée (liée à l’habitat) pour chaque nouveau ménage varie de 292 m² dans l’Hérault à 3267 m² en Lozère ou 3599 m² dans le Gers. Entre 2009 et 2018, 33 millions de m² ont été artificialisés en moyenne chaque année en Occitanie, avec une forte progression sur les 2 dernières années disponibles (2016 et 2017). L’Occitanie est ainsi dans le trio de tête des régions (derrière la Nouvelle Aquitaine, et avec des valeurs similaires à Auvergne-Rhône Alpes) ayant le plus fort rythme d’artificialisation (DREAL Occitanie, 2020).

Il est clair que cette forte consommation d’espace correspond à autant de surfaces en moins pour les milieux naturels et la biodiversité mais aussi à une propagation diffuse des impacts aux abords des villes et des zones artificialisées ainsi qu’à une réduction croissante de la surface des espaces (semi)-naturels (Vogt-Schilb et al., 2018). Toutes ces modifications perturbent considérablement la biodiversité locale, comme par exemple l’impact de l’éclairage nocturne sur les insectes nocturnes et les chiroptères, mais aussi sur la flore locale. Certaines perturbations apparaissent irréversibles ou du moins présentent des impacts à long terme, mais plusieurs de ces impacts pourraient être mieux contrôlés.

L’impact sur le littoral est particulièrement élevé, notamment en période estivale avec une activité touristique à forte présence humaine. Elle se traduit par de forts dérangements d’espèces animales, et des dégradations voire des destructions de flore et d’habitats naturels (voir chapitre-enjeu Milieux littoraux). Plusieurs espèces animales et végétales colonisent les villes, mais il s’agit surtout d’espèces très flexibles et généralistes dans leurs exigences écologiques. Par l’émergence de l’écologie urbaine, les cas d’adaptation au milieu urbain sont mieux étudiés. Ainsi, certaines plantes peuvent modifier en quelques générations leur type de graines pour s’adapter au milieu urbain (Cheptou et al., 2008), alors que certains oiseaux profitent des sources de chaleur urbaine pour mieux résister à l’hiver (Blondel, 2015).

Avec les outils de planification urbaine, les collectivités territoriales ont un rôle central à jouer dans la lutte contre la consommation et la fragmentation d’espace ; le BTP pourrait aussi favoriser les techniques permettant de rendre les constructions plus accueillantes pour la biodiversité, la création et l’intégration systématique d’îlots de fraicheur. Le récent phénomène d’exode urbain (après les épisodes de confinement) aurait tendance à diffuser cette urbanisation dans les bourgades proches des villes. Rappelons ici le défi n°1 de la Stratégie régionale de la biodiversité : réussir le « zéro artificialisation nette » à l’échelle régionale à l’horizon 2040. Le code de l’environnement encadre également les projets d’aménagement du territoire en imposant la séquence éviter-réduire- compenser qui permet d’atténuer et de compenser les impacts sur les espèces protégées, les habitats et les fonctions écologiques. Dans ce contexte, des translocations d’espèces végétales et animales peuvent permettre de sauver certaines populations impactées (voir texte sur la centaurée de la Clape) ; d’autres translocations dites assistées permettent de sauver des populations en anticipant les menaces environnementales.

Aller plus loin : Stratégie régionale pour la biodiversité – diagnostics

Figure 2.10. Carte de répartition en Occitanie des milieux anthropisés, distinguant les zones urbanisées et celles industrielles ou commerciales.
(Réalisation : ARB Occitanie, 2021)

Figure 2.11. Comparaison de l’usage des sols dans Montpellier et ses environs entre le XIXe (à gauche : 1860) et le XXIe siècle (à droite : 2006), montrant l’expansion forte des milieux urbanisés.
(Source : Vogt-Schilb et al., 2018.)