Focus milieux secs

Bénédicte GOFFRE (ARB Occitanie)

Les collines méditerranéennes et midi-pyrénéennes sont le domaine des habitats thermophiles, souvent ouverts, hérités de la géologie et des pratiques sylvopastorales séculaires. Les versants arides peu favorables à l’agriculture étaient voués au parcours des troupeaux et à l’exploitation des taillis. La déprise rurale et la dynamique de reconquête par les végétaux ligneux conduit à une fermeture progressive des paysages (Sirami et al., 2010), avec un développement des matorrals arborés dans les zones anciennement parcourues. Ainsi, les pelouses sèches sur sols superficiels (peu profonds) demeurent des habitats remarquables, indispensables à la présence d’espèces à fort enjeu avec côté faune le psammodrome algire, le cochevis de Thékla, ou le scorpion languedocien et l’astragale épineuse (Astragalus echinatus) côté flore.

Les milieux secs des plaines et collines midi-pyrénéennes (coteaux de la plaine toulousaine, les coteaux de l’Adour, les petites Pyrénées) révèlent de nombreux enjeux de biodiversité, liés notamment aux influences méditerranéennes (seps strié par exemple dans l’Astarac ou le Pays d’Auch) ou atlantiques (landes sèches à bruyères par exemple dans l’Armagnac). Un projet d’atlas des milieux secs midi-pyrénéens est en cours de réalisation avec pour ambition de réaliser un état des lieux le plus complet possible de ces espaces : localisation, état de conservation, espèces caractéristiques, mesures de conservation mises en oeuvre, etc. Ce travail précisera la connaissance des milieux ouverts et semi-ouverts notamment dans le cadre de la trame verte et bleue. À terme, l’objectif est d’aboutir à un outil de référence pour la conservation de ces milieux.

Le massif des Corbières, les contreforts de Cévennes, les garrigues de Montpellier, ou les costières de Nîmes sont des sites qui conservent des habitats semi-ouverts de très grande qualité (en alternance avec des habitats de culture). Ils trouvent leur prolongement dans les coteaux midi-pyrénéens, où les pelouses sèches abritent des cortèges d’espèces méditerranéennes en limite d’aire de répartition.

En continuité des garrigues de la zone méditerranéenne, les zones d’allure steppique de la région des Grands Causses constituent sans conteste les espaces ouverts les plus emblématiques du Massif central : si elles ne sont pas rares en Occitanie, elles le sont en revanche à l’échelle nationale voire européenne. Elles sont par ailleurs marquées par leur caractère insulaire en terme géologique et donc leur endémisme. Enfin, elles constituent un élément culturel fort du territoire, notamment pour les paysages des Causses et des Cévennes, reconnus au titre des paysages culturels vivants de l’agropastoralisme méditerranéen, et inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces milieux secs accueillent une mosaïque de pelouses steppiques, de landes et d’affleurements rocheux tout à fait remarquables, dont les corniches et gorges propres au relief caussenard. Dans ce paysage singulier, les pelouses sont composées d’un mélange d’espèces méditerranéennes et d’espèces montagnardes, auxquelles s’adjoignent plusieurs plantes endémiques et des espèces steppiques d’Europe centrale en disjonction d’aires dont la saponaire à feuilles de pâquerette, l’armérie faux-jonc, l’aster des Cévennes, l’ophrys de l’Aveyron et celui d’Aymonin ou la violette des Causses (Bernard, 2009).

Aux Grands Causses de l’Aveyron, de la Lozère, de l’Hérault et du Gard, répondent les causses midi-pyrénéens du Lot et du Tarn-et-Garonne. À l’échelle du grand paysage, les transitions entre les milieux méditerranéens et atlantiques d’une part, et entre les milieux méditerranéens et continentaux d’autre part, se lisent clairement grâce aux mélanges d’espèces d’affinités biogéographiques différentes. L’ensemble de ces milieux secs sont particulièrement fragiles et à dynamique très lente ; cependant ils sont très profondément remaniés par les activités humaines, notamment agricoles. Les milieux qui parviennent à se maintenir sont très souvent fragmentés, enclavés et relictuels, souvent relégués aux espaces délaissés, les moins propices au développement d’activités. Assez négligés dans la classification Eunis des habitats, il est nécessaire de mieux prendre en compte ces habitats à forts enjeux de biodiversité et de suivre leur réponse aux changements climatiques qui reste encore mal connue.

Crédit photo : ARB Occitanie