Étudier la biodiversité en Occitanie

Philippe JARNE (CNRS – CEFE), Gaëlle MATHIEU-ERNANDE (UM – Biodiv’Oc)

Les changements globaux, résultat des activités humaines, affectent l’ensemble des composantes de la biodiversité et de l’environnement, et constituent un défi majeur pour nos sociétés. Tous les espaces sont concernés, en particulier les plus riches en biodiversité. L’Occitanie, qui relève pour partie d’un des 34 points chauds de biodiversité à l’échelle mondiale, en ressent de nombreuses conséquences. Au-delà d’un réchauffement climatique, les aspects les plus marquants de ces changements à l’échelle régionale sont l’altération de la biodiversité par la modification de l’usage des milieux (continentaux et marins), le morcellement et l’artificialisation des espaces, la fragmentation et la perte afférentes d’habitats, l’arrivée d’espèces exotiques, l’émergence ou la réémergence de maladies, ou encore l’érosion de la biodiversité.

Anticiper les réponses de la biodiversité aux changements planétaires et mitiger leurs effets à l’échelle régionale est donc une problématique centrale en Occitanie si on veut maintenir attractivité et qualité de vie. Elle nécessite une « écologisation » des fonctionnements individuels et collectifs, s’appuyant sur des approches scientifiques éprouvées, pour traiter ces problèmes urgents, proposer des solutions de gestion et contribuer à la transition vers une société plus respectueuse de l’environnement.

La communauté de recherche en écologie environnementale d’Occitanie apporte des réponses par des approches d’écologie et évolution au sens large. Première communauté nationale, forte de près de 2 500 personnels de recherche, elle dispose d’une reconnaissance et attractivité internationale exceptionnelles pour ses travaux fondamentaux et appliqués (voir p. ex. le classement de Shanghai des universités dans le domaine de l’écologie). Cette communauté couvre des champs thématiques larges, du gène à l’écosystème, du virus à l’éléphant sur l’ensemble des zones géographiques planétaires incluant une implantation forte en milieux tropicaux et méditerranéens.

Elle développe une palette d’approches, incluant l’expérimentation, l’observation, la modélisation et la synthèse de données, dispose d’infrastructures technologiques de haut niveau et développe des approches interdisciplinaires, en particulier avec les sciences agronomiques, de l’univers ou les sciences humaines et sociales. Enfin, elle inscrit ses travaux dans un riche partenariat, public et privé, pour relever les défis posés par les changements globaux et proposer des solutions pour le futur (voir le rapport du Comité Consultatif Régional pour la Recherche et le Développement Technologique Occitanie de 2020).

Ces recherches en écologie environnementale s’appuient, à l’échelle régionale, sur une série d’outils et d’infrastructures (voir figure 2.13) gérés et largement mutualisés entre acteurs de la recherche (organismes de recherche et établissements d’enseignement supérieur), mais aussi avec les partenaires socio-économiques. Ces dispositifs sont fortement intégrés dans des réseaux de recherche, du local (p. ex., réseau des serres expérimentales de Montpellier, Resem) au national et à l’international (réseau ANAEE Europe). Ils incluent (de façon non-exhaustive) :

  • programmes et réseaux structurants incluant de nombreuses unités / équipes de recherche : ils sont centrés sur des thématiques plus ou moins spécifiques et permettent de mener des observations / expérimentations sur le moyen ou long terme et interdisciplinaires. Ainsi, l’Occitanie héberge deux défis-clés (BiodivOc et RIVOC), quatre laboratoires d’excellence (Labex CEBA, Cemeb, CORAIL et TULIP), deux observatoires des sciences de l’univers (OSU Oreme et OMP), un observatoire homme-milieux (Haut Vicdessos en Ariège), la zone-atelier Pyrénées Garonne ou le réseau Microbiologie en Occitanie ;
  • infrastructures de recherche : il s’agit de moyens expérimentaux lourds, collectifs et mutualisés incluant des bâtiments dédiés et des surfaces de travail conséquentes (p. ex., 4 ha de terrains expérimentaux CNRS gérés par l’UMR Cefe à Montpellier et 50 ha par l’UMR SETE à Moulis). Viennent s’ajouter l’Ecotron (Montpellier) et les stations de Banyuls et de Mooréa (SEE Corail) ;
  • les plates-formes techniques : elles sont intégrées aux infrastructures de recherche ou à des unités de recherche. Parmi celles-ci, citons notamment pour Montpellier le site instrumenté de la forêt de Puéchabon (Hérault, étude de l’impact du changement climatique sur les forêts), le vectopole (étude des arthropodes vecteurs de maladies), les platesformes d’analyse génomique, d’écologie chimique, et d’études du milieu marin (Medimer et Celimer). En région toulousaine, on retiendra les metatron et aquatron de Moulis et les plateformes de phénotypage (TPMP, Heliaphen, Agrophen). Enfin pour Perpignan / Banyuls, notons une plate-forme d’épigénétique et les installations expérimentales pour l’étude des écosystèmes marins et les plateaux d’analyses moléculaires de Bio2Mar.

Figure 2.13. Les infrastructures de recherche et outils collectifs en écologie environnementale en Occitanie.
(Source : BiodivOc, pour le CROCC_2021)

Encadré 2.A. Le défi clé BiodivOc

Un nouvel outil de la communauté scientifique en Occitanie pour l’étude de la biodiversité est le défi clé BiodivOc, financé par la Région Occitanie (2 M€ pour la période 2021-2024). Il vise à renforcer l’excellence scientifique et à stimuler les synergies pour accompagner les changements qui s’imposent. Porté par l’Université de Montpellier, BiodivOc vise à développer des recherches fondamentales en écologie et évolution autour du thème général « Dynamique, résilience et gestion de la biodiversité et d’écosystèmes soumis à des pressions environnementales d’origine humaine ». Il s’agit de comprendre la dynamique et l’adaptation de la biodiversité dans des environnements changeants en prenant pleinement en compte les interactions Homme-Nature pour « prévenir, réduire et s’adapter ». Cela amène des thématiques émergentes autour par exemple de la base (épi)génomique de l’adaptation, des interactions entre espèces (incluant pathogènes et microbiote), de la réponse aux polluants, des espèces sensibles ou invasives et des milieux d’interface. Elles sont abordées par des approches intégratives et interdisciplinaires pour la scénarisation et la projection de futurs possibles, mais aussi pour proposer des solutions aux changements globaux en formant les gestionnaires de demain.

Pour atteindre ces objectifs, BiodivOc mobilise la majeure partie de ses ressources pour soutenir des projets de recherche régionaux ambitieux et collaboratifs, répondant aux problématiques spécifiques du territoire occitan. Par ses actions d’animation, BiodivOc vise également à créer des synergies entre les acteurs de la recherche et les partenaires gestionnaires de la biodiversité, développer les formations et des outils de gestion et donner aux problématiques de la biodiversité une plus grande visibilité pour accompagner les politiques publiques et participer à la dissémination des savoirs vers tous les publics.

Contacts :
Directeur BiodivOc : Philippe JARNE (CNRS – CEFE)
Cheffe de projet : Gaëlle MATHIEU-ERNANDE (UM – BiodivOc)