Focus sur les impacts liés aux pollutions

Bertrand SCHATZ (CNRS – CEFE)

Parmi les impacts aggravants des changements climatiques, la pollution généralisée de l’air, de l’eau et des sols fragilise la biodiversité. Les pollutions des sols et des eaux se situent à des niveaux préoccupants de contamination en Occitanie ; elles sont d’origines agricole, industrielle et urbaine. Concernant l’agriculture, l’Occitanie est la première région viticole (surtout en bordure littorale, mais aussi au nord-ouest du Gers, de la vallée du Lot, du Frontonnais et du Gaillacois), la deuxième en grandes cultures céréalières (blé et maïs principalement mais aussi divers oléagineux, surtout dans le Gers, la plaine toulousaine et le Lauragais) et la deuxième en arboriculture fruitière sur des zones très localisées (vallée de la Garonne dans le Tarn et Garonne, vallée du Têt dans les Pyrénées-Orientales et vallée de la Dordogne dans le Lot, littoral Gard-Hérault).

Malheureusement, ces trois cultures sont très consommatrices de pesticides. Selon les informations de la Banque Nationale des Données de Ventes des Distributeurs (BNV-D), près de 12 225 tonnes de substances actives (produits phytosanitaires) ont été vendues en Occitanie en 2018, c’est-à-dire 4 kg de substance active par hectare de SAU (moyenne française : 3 kg/ha de SAU) (BNV-D, 2020). Les ventes concernent surtout des fongicides et à un moindre degré des herbicides, alors que le lindane (perturbateur endocrinien notable) reste encore très présent malgré son interdiction depuis 1998. Les disparités départementales de vente de substances actives sont assez fortes, avec les trois premiers départements qui se situent à 4 ou 5 fois la valeur de la moyenne nationale alors que sept autres départements sont sous cette moyenne, parfois assez nettement.

Les régions d’élevage et/ou d’espaces (semi-)naturels sont épargnées par cette contamination aux pesticides, alors que les zones de viticulture et d’arboriculture sont associées à des niveaux fort à très forts (ATMO Occitanie, 2019). Le Gard, l’Hérault et le Gers sont parmi les départements français les plus consommateurs de pesticides en 2017 (respectivement 6e, 9e et 15e). Cette pollution agricole est une menace forte pour les insectes en général, et les pollinisateurs sauvages en particulier ainsi que toutes les espèces insectivores. Une des solutions est l’agriculture biologique dont l’émergence est très forte en Occitanie, qui est la 1re région bio de France et la 4e région bio Européenne (DRAAF Occitanie, 2021). L’Occitanie souffre aussi d’une forte contamination des sols au cuivre du fait de la viticulture et de l’arboriculture (au-delà des normes de traitement des boues en stations d’épuration). La transition écologique de l’agriculture est ainsi fortement attendue.

La pollution de l’air est aussi très préoccupante en Occitanie, du fait de son climat et des afflux touristiques estivaux. Les pics de pollution à l’ozone sont connus pour leur effet toxique sur la biodiversité, et leurs impacts négatifs sur les interactions de pollinisation ont été récemment démontrés (par modification des odeurs florales ; Conchou et al., 2019 ; Vanderplanck et al., 2021). Les dépôts atmosphériques d’azote sur les sols (eutrophisation) impactent aussi fortement les écosystèmes et la biodiversité, en appauvrissant par exemple la diversité biologique des milieux marins ou des prairies, et pourraient aussi impacter les milieux méditerranéens et certaines forêts de montagne. Une exception : les émissions d’oxydes d’azote dues aux transports en Occitanie sont en diminution. Des efforts collectifs (covoiturage, réduction des déchets) se développent également afin de réduire l’origine de quelques pollutions.

Les pollutions localisées issues d’anciens sites miniers, ou de tannerie et de raffineries (plus de 300 sites selon la base de données BASOL, et celles issues des friches militaires, commerciales ou urbaines) représentent aussi un maillage de menaces locales pour la biodiversité entre autres par des pollutions aux métaux lourds (à des doses parfois très fortes). Les solutions de dépollution sont souvent très couteuses, et encore peu mises en oeuvre, mais permettraient une reconquête du foncier. Des solutions de phytoremédiation, donc de dépollution par des plantes accumulatrices de métaux lourds, sont étudiées sur le site de St-Laurent-le-Minier, dans le Gard.

Il ne faut pas oublier la pollution marine, la mer Méditerranée étant l’une des plus polluées au monde. La concentration de plastique y est quatre fois plus élevée que dans « l’île de plastique » du Pacifique Nord, qui s’explique par une production et une consommation excessive de produits plastiques, une mauvaise gestion des déchets ainsi que le tourisme de masse. Des fragments de plastique ont été retrouvés dans toutes les tortues marines en Méditerranée et dans 90 % des oiseaux marins dans le monde (ce taux de seulement 5 % en 1960). D’autres formes de pollutions sont également observées dans les zones portuaires, d’origine industrielle ou liées aux hydrocarbures et aux eaux de ballast des navires marchands.

Enfin, d’autres formes de pollution existent aussi comme des pollutions lumineuses par éclairage nocturne, des pollutions sonores, des pollutions visuelles (publicités inutiles), des pollutions allergènes. En Occitanie, le Parc national des Cévennes s’est particulièrement distingué sur ce point en devenant un des 13 sites mondiaux avec le label RICE récompensant la démarche collective pour un ciel étoilé.