Vers une intensification et une extension de l’activité des incendies dans la zone Méditerranéenne

François PIMONT (INRAE – URFM), Hélène FARGEON (MAA – DGPE), Julien RUFFAULT (INRAE – URFM), Thomas OPITZ ((INRAE – BIOSP), Renaud BARBERO (INRAE – RECOVER), Nicolas MARTIN-St-PAUL (INRAE – URFM), Éric RIGOLOT (INRAE – URFM), Jean-Luc DUPUY (INRAE – URFM)

Le changement climatique augmente le danger incendie dans de nombreuses régions du monde, en asséchant davantage le combustible au cours de la saison des feux. La composante météorologique du danger d’incendie est classiquement mesurée à partir de l’Indice Forêt Météo (IFM) : plus il est élevé, plus les conditions météo sont favorables à l’éclosion et à la propagation des feux. Une manière simple d’aborder les effets du changement climatique sur le risque lié aux incendies consiste donc à simuler l’évolution de l’IFM à partir de projections climatiques (Fargeon et al., 2020).

Cette approche montre une intensification du danger dans la partie méditerranéenne de l’Occitanie, qui s’explique par l’augmentation des températures, unanimement prédite par les modèles climatiques. Elle montre également une extension de la zone de danger vers l’ouest et le nord. Cependant, cette approche fondée sur l’IFM présente une importante limitation, car cet indice s’avère fortement biaisé spatialement et temporellement, lorsqu’on le compare aux observations réelles d’incendies. Ainsi, la traduction de l’augmentation future du danger en termes d’évolution des incendies n’est pas évidente.

Une manière d’affiner les projections consiste à utiliser les prédictions d’un modèle qui simule l’activité des incendies sur une zone donnée. Ici, nous projetons sur la partie méditerranéenne de la région Occitanie les prédictions du modèle Firelihood, un modèle probabiliste simulant les nombres et surfaces quotidiennes des feux estivaux dans des pixels de 8 km. Les variables explicatives du modèle sont l’IFM, la surface combustible, la période de l’année, ainsi que des facteurs de correction spatiale (Pimont et al., 2021). Ce modèle a été ajusté sur la zone dite « Prométhée » (opération de suivi sur les incendies de forêts de 15 départements du Sud Est) qui dispose d’une base de données fiables recensant les incendies. Les travaux de projections réalisés à partir de Firelihood ont montré que si le nombre de feux de 1 ha répondait aux variations du climat dans les mêmes proportions que l’IFM, le nombre de grands feux (> 100 ha) et les surfaces brûlées présenteraient des augmentations 2 à 3 fois plus importantes, confirmant ainsi les limites liées à l’usage de l’IFM moyen pour des projections (Fargeon, 2019).

La figure 2.7 montre les augmentations de surfaces brûlées prédites par Firelihood entre la période récente (2000-2019) et la fin de XXIe siècle (2079-2098). Ces valeurs ont été obtenues pour le scénario RCP8.5 (c.-à-d. sans réduction importante des émissions) en faisant la moyenne de cinq modèles climatiques contrastés (Fargeon, 2019). Pour ces cinq départements, cette augmentation de surface brûlée s’accélère à partir de 2060 pour atteindre +124 % à la fin du siècle. On notera cependant que ces projections dépendent fortement du modèle climatique utilisé, puisqu’elles varient entre +37,5 % pour le modèle CNRM et +177 % pour le modèle HADGEM. Enfin, les projections réalisées selon le scénario RCP4.5 suggèrent une augmentation nettement moins prononcée des surfaces brûlées (+54,5 %), ce qui rappelle l’importance de la réduction des émissions pour limiter les effets du changement climatique.

Incendie de Grabels (34), 13 sept 2007, qui illustre la proximité des feux avec les habitations humaines.
(Crédit photo : E. Rigolot INRAE).

Les résultats précédents supposent que la relation entre activité des incendies et météorologie modélisée par Firelihood demeure constante dans le futur. Cette hypothèse est sujette à caution, car la mortalité de la végétation due à la sécheresse devrait fortement s’accroître, modifiant profondément le combustible. Des incertitudes importantes existent également concernant l’évolution des activités humaines, qu’il s’agisse de l’usage des sols ou des mesures de prévention et de lutte. Ces facteurs, qui pourraient amplifier ou atténuer les augmentations projetées, constituent une source d’incertitude supplémentaire. En conclusion, malgré les incertitudes liées au climat (modèle climatique), au scénario (RCP8.5 ou 4.5), et à la relation feu – climat, le risque incendies de forêts devrait s’étendre singulièrement vers l’arrière-pays et les zones de montagne et s’intensifier dans les plaines agricoles.

Figure 2.7. Comparaison entre les surfaces brûlées prédites par le modèle Firelihood pour les périodes 2000-2019 et 2079-2098 sur les 5 départements méditerranéens d’Occitanie (5 modèles climatiques, scénario sans réduction d’émissions – RCP8.5). On note une forte extension de la zone à risque dans l’arrière-pays méditerranéen ainsi que dans les plaines agricoles.
(Source : Pimont et al., illustration préparée pour le CROCC_2021)