Focus milieux forestiers

Bénédicte GOFFRE (ARB Occitanie)

Les milieux forestiers d’Occitanie couvrent près de 36 % du territoire régional (2,76 millions d’hectares) (figure 2.1). Inégalement répartis, ils sont largement regroupés dans le Massif central (Cévennes, Montagne noire et Haut-Languedoc) et les Pyrénées. Les boisements feuillus dominent (60 % sont des chênaies sclérophylles ou caducifoliées, des hêtraies ou des forêts de ravins), alors que les boisements résineux, situés sur le pourtour méditerranéen, sont surtout des pinèdes.

La diversité des forêts régionales masque une hétérogénéité entre deux vocations forestières extrêmes. L’orientation vers la production de bois monospécifique est associée à une simplification des écosystèmes forestiers à faible résilience face aux risques, dont ceux climatiques. Les impacts de la gestion et l’exploitation sylvicole sont positifs à négatifs sur la biodiversité forestière selon les pratiques employées. À l’inverse, les milieux forestiers en libre évolution sont souvent très riches en biodiversité (Rossi et al., 2013) et rendent de nombreux services écosystémiques : préservation des ressources en eau, en matériau et en énergie, séquestration du carbone (arbre sur pied, bois mort, sols forestiers) et rafraîchissement, préservation des sols contre l’érosion, et support à des services culturels (loisirs, paysages, tourisme, chasse, cueillette…).

L’Occitanie porte également une responsabilité forte dans la conservation de ses forêts anciennes, surtout présentes dans les Pyrénées (Savoie et al., 2015) et le Massif central (Renaux et Villemey, 2017), et ponctuellement en plaine (Gouix et Savoie, 2019). 7900 ha de forêts anciennes ont été recensés dans l’ouest pyrénéen, donc 2 % des forêts de montagne. Désormais rares et souvent fragmentées, elles sont des réservoirs riches de biodiversité marqués par la présence d’espèces indicatrices d’ancienneté, indispensables de préserver (Rossi et al., 2013). Véritables laboratoires des dynamiques naturelles, elles sont sources de connaissances à l’élaboration d’itinéraires sylvicoles durables, et de résilience naturelle face aux changements climatiques.

Les forêts matures feuillues et résineuses, riches en arbres sénescents et en bois mort, participent à la très grande valeur biologique du massif pyrénéen et figurent parmi les milieux à plus forte naturalité de la région (voir chapitre-enjeu Milieux montagnards). Le bois mort offre aussi des habitats indispensables à la conservation de nombreuses espèces d’invertébrés saproxyliques, de plantes (surtout des mousses, des lichens) et de champignons. La préservation intégrale (création d’îlot de sénescence dans les deux parcs nationaux, réserves biologiques intégrales ou dirigées) d’îlots de forêts anciennes au sein de la mosaïque d’habitats (semi-)naturels est le garant de la conservation des cortèges de communautés des grands équilibres biologiques. Menacés d’exploitation ou de destruction, ces milieux nécessitent une reconnaissance spécifique afin de garantir leur préservation d’autant qu’il n’existe pas de statut de protection dédié.

Les milieux forestiers sont particulièrement concernés par les effets des changements climatiques, même si certaines espèces méditerranéennes sont adaptées à la sécheresse (pin d’Alep, chêne vert). La sécheresse croissante des sols provoque des baisses de croissance et des dégradations sanitaires (sensibilité aux maladies), affectant les services rendus par la forêt. Les feux de forêt s’en trouvent aussi augmentés en fréquence et en importance par accroissement de l’inflammabilité et de la combustibilité des structures végétales. À une échelle temporelle plus longue, l’aire de répartition de certaines espèces pourrait remonter en France méditerranéenne depuis l’Espagne et l’Italie (chêne faginé, chêne balotte…).

En montagne, l’élévation prédite de la limite forestière (en lien également avec la déprise pastorale) doit s’accompagner de l’élévation des espèces dépendantes de ces zones refuges d’altitude malgré la réduction de surface associée, enjeu identifié notamment dans le SRCE (notamment en Lozère et dans les Pyrénées-Orientales). La biodiversité endémique montagnarde d’Occitanie pourrait souffrir de ces perturbations, ce qui augmente l’intérêt d’études et de suivis sur différentes échelles spatiales et temporelles, afin d’envisager les meilleures réponses possibles.

À noter la présence du pin de Salzmann (Pinus nigra subsp. salzmanni), un taxon franco-ibérique, qui a connu une très forte régression du fait du surpâturage, des incendies et de l’hybridation avec d’autres sous-espèces de pin noir utilisées en reboisements dans son aire naturelle (l’exotique pin noir d’Autriche, et le pin laricio de Corse). En accueillant la plus grande partie de ses populations, l’Occitanie a une responsabilité majeure pour la conservation de cette espèce, dont les boisements sont aujourd’hui morcelés et principalement sur dolomies ou calcaires dolomitiques (Causses) et sur roches siliceuses (Pyrénées-Orientales et Cévennes).

Dans le cas des hêtraies de la réserve naturelle nationale de la Massane (Pyrénées-Orientales), un suivi de la dynamique forestière permet d’étudier les conséquences des changements climatiques afin d’optimiser sa gestion sylvicole. Ce suivi est réalisé depuis 1999 sur 50 000 arbres (28 ha cartographiés exhaustivement) et a permis à cette réserve et à la Fédération des réserves naturelles catalanes (FRNC) d’intégrer le projet Life Natur’Adapt.

Figure 2.1. Carte de répartition en Occitanie des milieux forestiers.
(Source : occupation du sol CESBIO, 2016, EI Purpan, 2015 et 2018. Réalisation : ARB Occitanie, 2021)