Maintenir l’attrait touristique

Les milieux montagnards bénéficient d’attraits particuliers qui leur valent d’être plébiscités pour des activités touristiques au cours de différentes saisons. Sous l’effet des changements climatiques, les projections d’évolution des caractéristiques des évènements météorologiques extrêmes et les risques naturels liés indiquent des impacts considérables sur les activités touristiques des milieux montagnards. Cela concerne la viabilité de certaines activités, des infrastructures, mais aussi l’attractivité du territoire pour ses caractéristiques patrimoniales.

Les sports d’hiver sont directement confrontés aux effets des changements climatiques avec la diminution de l’enneigement (figures 7.4 et 7.5), qui a déjà eu pour conséquence une diminution du nombre de jours skiables, ainsi qu’un recul de la date d’ouverture des saisons de ski. Ces retards sont compris entre cinq et 55 jours dans les stations de basse altitude et entre cinq et 30 jours dans les stations d’altitude moyenne (OPCC, 2018).

Certaines stations, moins vulnérables en raison de certaines caractéristiques (altitude, pente et exposition principalement) et dont le niveau d’enneigement permet de poursuivre les activités de ski, pourront temporairement être privilégiées par les touristes dont la répartition se fera sur un nombre plus réduit de stations disponibles. La figure 7.7 montre, en bleu, les stations qui devraient pouvoir être en mesure de poursuivre leur activité, en jaune, les stations qui pourraient maintenir leur capacité à fonctionner grâce à la production de neige artificielle, et en rouge, les stations pour lesquelles cette solution ne sera pas viable.

Les adaptations techniques, telles que le recours à la production de neige artificielle mise en oeuvre par la majorité des stations, ou encore le transport de neige par héliportage ne sont pas sans conséquences ; elles présentent des externalités environnementales négatives (une demande énergétique croissante, des prélèvements significatifs sur la ressource en eau), et leur capacité à être efficaces dans le cas de forts niveaux de réchauffement n’est pas assurée car la hausse des températures hivernales affecte la capacité à produire cette neige artificielle avec les technologies actuelles.

Figure 7.7. Évolution de la capacité à fonctionner des stations de ski des Pyrénées avec et sans production de neige artificielle, pour deux horizons temporels et scénarios futurs différents (+2 °C, pour 2051-2070, et +4 °C pour 2071-2100).
(Source : Pons et al., 2015 dans OPCC, 2018).

L’étude de Spandre et al. (2019) confirme cette tendance à la réduction du nombre de stations où le niveau d’enneigement est fiable en fonction de différents scénarios et horizons temporels. Jusqu’à la catégorie cinq (figure 7.8), l’enneigement de la station est jugé suffisamment fiable pour maintenir les activités touristiques, au-delà, la diminution de l’enneigement ne permettra plus la poursuite des activités de sports d’hiver tels qu’elles se présentent aujourd’hui. Dès 2030-2050, et pour chaque scénario (car les divergences dans les scénarios se constatent surtout sur le long terme sur la deuxième moitié du XXIe siècle), les difficultés liées à la diminution de l’enneigement se manifestent dans plusieurs stations.

Une étude récente de WWF France (WWF France, 2021) sur l’impact des changements climatiques sur la pratique sportive montre que dans un scénario d’augmentation des températures de +2 °C, seulement trois stations de ski pyrénéennes bénéficieraient d’un enneigement naturel suffisant ; à +4 °C, aucune station ne pourrait bénéficier de ce niveau d’enneigement.

Au cours du printemps et de l’été, les montagnes pyrénéennes attirent de nombreux touristes et la région pourrait avoir un avantage concurrentiel par rapport aux zones littorales ou urbaines, plus chaudes, plus densément peuplées et moins agréables pour les activités touristiques. Ainsi, dans le massif pyrénéen comme dans le Massif central, le secteur du tourisme pourrait bénéficier d’un avantage concurrentiel et se positionner sur un « tourisme de fraîcheur », avec une saison touristique qui pourrait être prolongée, notamment au printemps ou en automne avec l’adoucissement des températures (Jacob et al., 2018). La diversification des pratiques (randonnée, sports aquatiques, VTT, varappe, thermalisme…) et l’allongement des saisons de tourisme sont encouragées pour ces stations, afin qu’elles puissent perdurer et maintenir des emplois liés au tourisme en favorisant des activités moins vulnérables à la disponibilité de la neige (Hatt et Vlès, 2014).

C’est dans cet objectif que la communauté de communes Causses-Aigoual Cévennes « Terres Solidaires » a travaillé de 2011 à 2020 pour diversifier l’offre touristique du Massif de l’Aigoual (en particulier autour de la station de ski de Prat Peyrot) et faire prendre conscience aux parties prenantes du territoire des changements climatiques en cours. La station s’est tournée vers un tourisme sportif mais aussi patrimonial, échelonné sur quatre saisons. La forêt du Mont Aigoual est notamment reconnue à l’échelle mondiale pour son patrimoine naturel et paysager et est labellisée « Forêt d’exception ».

Néanmoins, le maintien de l’attrait touristique des zones de montagne doit également tenir compte de changements irréversibles du paysage, qui risquent de modifier la perception de ces espaces, notamment de la part des touristes.

Figure 7.8. Catégorisation des stations de ski pyrénéennes en fonction de la taille de la station et de la capacité à fonctionner (catégories 1, 2 et 3 : les conditions d’enneigement naturel sont satisfaisantes ; catégories 4 et 5 : les conditions d’enneigement sont satisfaisantes avec de la neige artificielle ; catégories 6 et 7 : la neige artificielle ne suffit plus à contrer la diminution de l’enneigement).
(Source : adapté de Spandre et al., 2019).

Figure 7.9. Variation de la surface du glacier d’Ossoue sur la période 1850-2018 (52 observations).
(Source : René, pour World glacier monitoring service, 2018).