Garantir la qualité des eaux superficielles et souterraines

Les modifications du bilan hydrologique vont entraîner des modifications en termes de qualité et de disponibilité des eaux superficielles et souterraines. Le Massif central est réputé pour la richesse de son réseau hydrographique et ses nombreux cours d’eau (dont la Dordogne et le Tarn en Occitanie) et plans d’eau. La pluviométrie y est extrêmement importante, notamment au Mont Lozère ou au Mont Aigoual et en particulier durant l’hiver. Cela fait du Massif central le « premier massif français pour l’activité économique générée par l’exploitation des eaux souterraines » (SIDAM).

Eaux superficielles

Les lacs sont des systèmes dynamiques qui évoluent régulièrement en réponse à leur environnement (températures, précipitations, intrants atmosphériques, usages du bassin versant, etc.). La variation de la disponibilité en eau et l’augmentation des températures va entraîner une altération des caractéristiques physico-chimiques des lacs, moins marquée pour les lacs profonds qui ont une inertie thermique plus élevée et réagissent plus lentement aux « changements physiques (gradients de température et densité), chimique (salinité, l’alcalinité, pH, nutriments) et biologique (productivité primaire, composition des communautés biologiques) » (OPCC, 2018).

Dans les montagnes pyrénéennes, les changements climatiques pourraient avoir des conséquences sur la température de l’eau, mais également sur la dynamique de mélange du lac, la durée d’englacement, la stratification thermique et chimique de la colonne d’eau (Råman Vinnå et al., 2020) et la disponibilité en nutriments qu’il contient. Les travaux du réseau Lacs Sentinelles, composé de gestionnaires d’espaces protégés et de scientifiques, ont permis d’identifier ces changements et les mutations qu’ils induisent sur les lacs d’altitude, à l’aide par exemple de capteurs de température installés à différentes profondeurs (lac d’Aumar, Hautes-Pyrénées et lac d’Izourt, Haute-Ariège).

Eaux souterraines

Les impacts des changements climatiques sur les eaux souterraines seront très variables ; ils dépendent du type de formation géologique dans lequel elles se trouvent, de leur degré de confinement, des interactions hydrauliques avec les cours d’eau qui s’écoulent à proximité et du niveau d’exploitation qui en est fait (voir chapitre enjeu Eau). Les modèles montrent toutefois une diminution généralisée de leur recharge, à cause du changement d’occupation des sols, en particulier la revégétalisation, qui devrait s’intensifier dans les années à venir. À cela s’ajoutent les effets des changements climatiques : la fonte nivale plus précoce, la réduction des niveaux des précipitations et un taux d’évapotranspiration plus élevé.

Il apparait que ces conséquences seraient plus importantes pour les aquifères de surface et peu profonds. Selon une étude de Caballero et al. (2015) qui présente une estimation des impacts du changement des précipitations sur la recharge des aquifères libres dans le bassin Adour-Garonne, la recharge des aquifères de la région pyrénéenne (Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne et Ariège) pourrait diminuer de 10 % en 2050. Cette estimation correspond à la moyenne des résultats obtenus pour les scénarios RCP2.6 et 8.2 établis sur « un ensemble de cinq modèles climatiques régionalisés par deux méthodes différentes et appliquées à deux méthodes différentes de calcul du bilan hydrique, afin d’explorer le degré d’incertitude des résultats » (OPCC, 2018).

Les tourbières, zones humides emblématiques des paysages montagnards

Les tourbières sont des écosystèmes particulièrement fragiles et sensibles aux effets des changements climatiques, en particulier celles qui sont localisées en haute altitude, avec des températures basses, une couche de glace présente pendant plusieurs mois de l’année, une forte radiation solaire et une faible présence de nutriments (ultra-oligotrophie). L’accumulation de matière organique (turfigénèse) a été rendue possible par les caractéristiques de ces milieux (saturation en eau).

Les tourbières des Pyrénées et du Massif central n’ont pas toutes été identifiées mais nous savons que certaines ont pu se former par le retrait des glaciers à la fin de la dernière déglaciation, d’autres par l’activité humaine ou encore via un processus de paludification (ce processus se caractérise par l’initialisation de la tourbe dans des habitats précédemment plus secs et végétalisés sur des sols inorganiques, sans phase entièrement aquatique).

Elles ont une fonction essentielle de puits de carbone (même si l’estimation de la quantité de carbone stocké n’existe pas à ce jour) et assurent la qualité et une plus grande régularité de l’eau en amont des bassins hydrologiques (rôle d’éponge en saison pluvieuse et de relargage en période sèche). Ces milieux sont également des réservoirs de biodiversité et abritent des écosystèmes extrêmement riches, notamment en micronutriments. En tenant compte de toutes ces caractéristiques, nous pouvons identifier plusieurs types d’impacts des changements climatiques sur les tourbières, tels que la dégradation de ces milieux, l’érosion de leur biodiversité, l’inversement de leur rôle de puits de carbone et la perte de services écosystémiques (OPCC, 2018).

Modifications physico-chimiques des eaux

Les caractéristiques physiques et chimiques des eaux peuvent être modifiées et conduire à une plus forte concentration de polluants. C’est une des conséquences de la diminution des débits (combinée à une hausse des rejets de substances polluantes dans la nature par les activités anthropiques), mais aussi des périodes de sécheresse et d’étiage qui s’allongent. La quantité d’eau, diminuée sur le long terme, ne suffit plus pour diluer les polluants qui se trouvent dans les milieux aquatiques. Enfin, les inondations peuvent remobiliser les polluants retenus dans les sédiments et accroître leur concentration.
Ces facteurs se combinent et, couplés à des activités anthropiques (changement d’occupation des sols, mise en culture de surfaces fourragères rendant les sols à nu en hiver, revégétalisation, activités polluantes, etc.), ils induisent des impacts sur la biodiversité et la santé des écosystèmes de haute montagne.