Santé et climat, le défi du XXIe siècle

Genevève BRETAGNE (AUAT – LISST)

Dès 1946, l’OMS propose d’élargir la définition de la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Plus « globale », cette approche renouvelée associe aux déterminants individuels et biologiques (âge, sexe, patrimoine génétique, comportement, …) un ensemble de facteurs environnementaux, sociaux et/ou économiques, susceptibles d’influencer l’état de santé d’une population, de façon isolée, ou en association avec d’autres facteurs.

Considéré comme « le plus grand défi sanitaire du XXIe siècle » par l’OMS en 2018 (WHO, COP24 Special report), relayant alors les alertes posées préalablement dans le 5e rapport du GIEC (2014), le changement climatique est désormais considéré comme un déterminant de santé à part entière (Bélanger et al. 2019).

Il agit sur l’état de santé des personnes de façon directe (lors d’évènements caniculaires ou de froid intense), mais aussi indirecte (émergence de nouvelles maladies engendrées par les modifications des écosystèmes et des cycles de développement des espèces), ou encore par l’influence sur d’autres déterminants et notamment les déterminants sociaux de santé (lors de la baisse ou la perte de revenus à l’occasion d’un épisode extrême par exemple) (figure 4.10 et 4.11).

Les conséquences sur la santé sont de plusieurs ordres :

  • une augmentation des cas de morbidité et de mortalité liés à la survenue d’évènements extrêmes : on peut citer à titre d’exemples les 1462 décès en excès suite aux deux canicules de 2019, heureusement loin derrière les 15 000 décès en excès déplorés en 2003 ;
  • une augmentation des maladies infectieuses (zoonoses, maladies vectorielles, contamination de l’eau et des aliments) ;
  • une augmentation et/ou une aggravation des pathologies cardiovasculaires et respiratoires (un lien étroit a été démontré entre changement climatique, pollution de l’air et santé), des allergies, de la malnutrition ;
  • ainsi que des impacts psycho-sociaux, cependant moins documentés.

Ces effets sont fortement dépendants de la vulnérabilité des populations concernées, considérée au regard de leur exposition, leur sensibilité et leur capacité d’adaptation.

Pour autant, la santé apparait aujourd’hui peu discutée au regard du déterminant « climat ». Plusieurs travaux convergent sur le fait que le changement climatique agit principalement par révélation ou exacerbation des vulnérabilités, pouvant alors renforcer des inégalités environnementales et sociales préexistantes. Il peut également conduire à des situations cumulatives d’effets directs et indirects sur la santé : épisode de chaleur souvent corrélé à des épisodes de pollution de l’air, vécu en situation d’isolement social. Pour autant, vulnérabilités physiologiques et socio-économiques ne concernent pas toujours les mêmes territoires et populations (Alonso et Renard, 2020).

Concernée à divers titres, la région Occitanie commence à faire l’objet de quelques travaux d’exploration sur la problématique santé – climat : par les acteurs des territoires dans le cadre des politiques publiques dont ils ont la compétence (urbanisme, social), ainsi que par les acteurs de la recherche.

On peut ainsi citer l’engagement récent (novembre 2020) du centre d’épidémiologie et de recherche en santé des populations (CERPOP – Inserm / Université Toulouse III – Paul Sabatier) dans le projet européen « Enhancing Belmont Forum research action to support EU policy-making on climate change and health » (ENBEL), réunissant des spécialistes de la recherche sur le changement climatique et la santé, et visant à accompagner l’élaboration de politiques européennes, internationales et nationales relatives aux économies sobres en carbone et au renforcement de la résilience climatique. Ce projet, financé jusqu’en 2023 par le programme Horizon 2020 de l’Union européenne, est coordonné par le Center for international climate research (CICERO) de l’Université d’Oslo (Norvège).

Plusieurs sujets représentés à travers le projet ENBEL pourront alors stimuler des actions de recherche répondant aux spécificités de la région Occitanie, comme l’estimation de l’exposition cumulée de la chaleur et des pollutions atmosphériques sur la santé des populations, notamment en milieux urbains ; la caractérisation des facteurs de vulnérabilités des populations au regard des aléas climatiques ; l’estimation de l’effet des mesures d’atténuation et d’adaptation en termes de santé et d’inégalités sociales de santé ; ou encore la mesure de l’évolution des maladies infectieuses au regard des évolutions climatiques et des caractéristiques des populations (voir chapitre-enjeu Milieux urbanisés).

Figure 4.10. Carte de la santé et de ses déterminants.
(Source : Ministère de la Santé et des Services Sociaux du Québec, 2010)

Figure 4.11. Les effets des changements climatiques sur la santé des individus, en tenant compte des facteurs environnementaux globaux et des vulnérabilités individuelles.
(Source : Pierrefixe, 2015)

Surveillance et anticipation des impacts sanitaires des changements climatiques

Face à des risques croissants, des changements climatiques à l’ampleur incertaine, et aux vulnérabilités des populations et des territoires, la création d’indicateurs d’adaptation est un moyen efficace pour diffuser de l’information scientifique (« qualité scientifique »), claire et compréhensible auprès de publics hétérogènes et non issus du milieu sanitaire (« qualité pédagogique »), d’aider les instances décisionnaires nationales et surtout locales dans leurs processus de décision (« qualité décisionnelle »). Les « indicateurs d’effets sanitaires du changement climatique » permettraient donc de prioriser les besoins en termes d’adaptation mais aussi d’évaluer l’efficacité des actions (Santé Publique France, 2021). La chaine présentée en figure 4.12 présente les différentes synergies entre le danger, le facteur de risque, l’exposition, et la vulnérabilité, qui aboutiront à un niveau d’impact pour une population et un territoire donnés, et pour lequel des stratégies d’adaptation peuvent être mises en oeuvre (l’intervention). Pour chaque élément, Santé Publique France préconise de développer des indicateurs (danger, exposition, vulnérabilité, impact et intervention) déclinés à l’échelle locale, afin qu’ils soient adaptés aux enjeux des territoires et « déclinables à une échelle opérationnelle pour la décision ». Certaines limites demeurent dans la déclinaison locale des indicateurs, telles que le manque de disponibilité ou d’interprétabilité des données, ou encore leur coût de production (Santé Publique France, 2021).

Figure 4.12. Schématisation de la chaine allant du danger aux impacts et permettant d’identifier des influences possibles du changement climatique et les possibilités d’adaptation (interventions).
(Source : Santé Publique France, 2021).