Qualité de l’eau – « BioInspir’ » : Traitement bio-inspiré des eaux industrielles en zones exposées aux aléas climatiques

Claude GRISON (CNRS – ChimEco)

Ressource naturelle vitale, l’eau est également un élément moteur du développement économique et social. Les activités domestiques, agricoles et industrielles, ajoutées aux facteurs tels que changements climatiques, pression démographique, surconsommation de l’eau, constituent une véritable menace pour l’accès aux ressources en eau potable. Selon le Partenariat Français pour l’Eau, « l’eau est la première ressource concernée par le dérèglement climatique avec tous les indicateurs au rouge » (voir chapitre-enjeu Eau).

Face à la pollution générée, les traitements mis en place pour répondre à la réglementation accentuent le problème, puisqu’ils génèrent des boues toxiques très difficiles à gérer et exposées aux inondations. Développer de nouvelles approches pour anticiper ces situations, prévenir les sources de pollution, traiter les eaux polluées en amont, en mettant en place des procédés de traitement innovants faisant appel à des technologies durables sont devenus une nécessité.

Tel est l’objet des travaux de recherche de ChimEco, qui développe des colonnes de filtration remplies de poudres végétales pour retenir les éléments métalliques polluants (des métaux stratégiques tels que palladium ou terres rares, des métaux primaires en voie de raréfaction comme le zinc, ou des métaux très toxiques comme l’arsenic, le plomb, le cadmium). Ce filtre végétal est également efficace vis-à-vis des polluants émergents (perturbateurs endocriniens, néonicotinoïdes, pesticides). Il s’agit d’une solution écologique et innovante permettant d’éviter tout échappement de métaux dans les systèmes aquatiques et la formation de boues industrielles contaminées.

Le filtre végétal est éprouvé à grande échelle (construction de deux pilotes) qui fonctionnent in natura. Développé sur le grand site minier des Malines (Gard) et dans la vallée de l’Orbiel (Aude), le filtre végétal est constitué du système racinaire de plantes aquatiques, qui peuvent être classées en deux catégories :

  • les plantes aquatiques européennes menacées par le réchauffement climatique (liste rouge UICN). Le chef de file est la menthe aquatique que nous développons dans le Gard en hydroponie à des fins de conservation et de dépollution ;
  • les plantes aquatiques introduites maladroitement sur le territoire européen ; certaines d’entre elles sont devenues invasives en Europe, allant jusqu’à étouffer la vie aquatique.

Compte-tenu des conditions climatiques locales, ce problème est très avancé en région Occitanie. Leur éradication est très difficile et décourageante, voire inappropriée et constitue un problème récurrent pour les gestionnaires de bassin. Déshydratées et broyées finement, ces plantes sont très efficaces dans le filtre végétal dépolluant. Deux d’entre elles sont réglementées mais non problématiques en Europe pour leur potentiel d’invasion (pas de production de graines, plantes gélives…). Dans chaque cas, les poudres végétales gorgées de métaux après dépollution sont valorisées par un programme innovant de recyclage écologique par un procédé de chimie durable : l’écocatalyse (Grison, Lock Toy Ki, 2021). Il n’y a donc aucun déchet.

Figure 4.5. Dépollution des eaux minières (Malines/Gard) par le filtre végétal ChimEco/Bioinspir.
(Source : C. Grison)

La start-up Bioinspir a été créée à Montpellier pour développer ces résultats à l’échelle industrielle. Son objectif est double : soutenir les efforts d’éradication des espèces exotiques envahissantes dans le respect des règles d’usage, et dépolluer les effluents industriels hautement contaminés à l’aide de cette technologie écologique qui peut conduire à la fin des boues industrielles problématiques et exposées aux aléas climatiques.

Ce programme est une double opportunité environnementale puisqu’il permet une gestion durable et contrôlée des plantes aquatiques exotiques envahissantes mais aussi la restauration de la qualité des systèmes aquatiques. Il offre également une opportunité économique. Il est aujourd’hui le point de départ d’une chimie écologique capable de créer des molécules 100 % biosourcées (figure 4.5).