Changement climatique, alimentation et modes de vie : quelles menaces pour notre santé ? Quels comportements pour atténuer les effets du climat ?

Marie Josèphe AMIOT-CARLIN (INRAE – MoISA)

Les changements climatiques contribuent déjà à l’augmentation des maladies et des morts prématurées. Deux études récentes de haut niveau (Willett et al. 2019, Swinburn et al. 2019) ont mis en évidence les effets négatifs des régimes alimentaires actuels sur la santé humaine et planétaire. L’obésité et le changement climatique formeraient une syndémie globale qui entrelace les facteurs de santé, biologiques et environnementaux aggravant, par leur synergie, les problèmes de santé (Swinburn et al. 2019). En Occitanie, l’obésité qui expose à de lourdes conséquences sur la santé touche 15,5 % de la population en 2020 (Ligue contre l’obésité, 2021).

Les systèmes alimentaires sont non seulement responsables des maladies mais génèrent aussi 25 % à 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Le rapport EAT-Lancet (Willett et al. 2019) préconise un « régime de santé planétaire » par une végétalisation de l’assiette composée pour 75 % de fruits, légumes, céréales et légumineuses. Dans notre étude Montpelliéraine, intitulée Medina (financée par l’Agence Nationale de la Recherche) en collaboration avec Solagro, l’assiette optimisée pour atteindre les recommandations nutritionnelles dans le Sud de la France serait composée de moins de viande (surtout de viande rouge), d’oeuf, de lait et de pomme de terre et plus de poissons, de céréales, et de fruits et de légumes, ce qui permettrait de diminuer globalement les émissions de gaz à effet de serre de 35 %.

Si la viande rouge est pointée du doigt par ses impacts négatifs à la fois sur la santé via une consommation excessive (au-delà de 500 g par semaine, ANSES, 2016) et sur les émissions importantes de gaz à effet de serre, elle est cependant une excellente source de protéines animales, de fer et zinc, mieux assimilés par notre corps que ceux issus des sources végétales. Aussi, la place de l’élevage est à revisiter. Quant au poisson, source également de protéines, il est recommandé pour sa richesse en acides gras oméga 3, dont la couverture des besoins est difficile à atteindre, c’est pourquoi sa part dans une assiette équilibrée augmente. Dans le cadre d’une gestion des pêches plus durables en Occitanie, des solutions sont à envisager pour maintenir les avantages nutritionnels des aliments d’origine aquatique et soutenir la durabilité de ces filières. Il faut noter que nous n’avons pas besoin de plus de protéines ; au contraire leurs apports actuels devraient baisser de 40 %. Inverser le rapport protéines animales/protéines végétales serait encore plus bénéfique pour une réduction de plus de 50 % des émissions de gaz à effet de serre. La question des protéines végétales est relancée car elles coûtent moins cher sur le plan environnemental que les protéines animales. Le projet KING (« Knowledge and Innovation on Grain-legumes »), soutenu par la région, vise à identifier au sein des innovations de marché sur les légumineuses, celles pour lesquelles l’offre agricole et agroalimentaire peuvent être développées en Occitanie.

Le climat a un impact direct sur la dynamique de maladies infectieuses. Les facteurs climatiques comme la température et l’humidité influencent les processus de multiplication et de survie des agents pathogènes (Van Cauteren et al. 2018). L’initiative clé Alimentation Santé, soutenue par l’Université de Montpellier, souhaite analyser tous les facteurs, dont le climat, qui influent sur les risques sanitaires.

Le système de production, les modes de transports et l’urbanisation font partie d’un cercle vicieux associant des modes de vie peu sains et un impact environnemental important. Nos moyens de transport, dominés par la voiture, sont quant à eux associés à la sédentarité et à une faible activité physique, tout en générant entre 14 % et 25 % des émissions de gaz à effet de serre (Swinburn et al. 2019). Comprendre les comportements individuels en Occitanie devrait permettre de mieux cibler les solutions durables bénéfiques pour la santé humaine et écologique (voir chapitre-enjeu Psychosocial).

« One health » et « santé planétaire »

Le rapport de l’Homme à la nature s’est constitué autour d’une vision anthropocentrée et a contribué à envisager la place de l’être humain comme destinataire des ressources de la nature (Pierron, 2013). Cette vision utilitariste des ressources naturelles a toutefois encouragé la protection des ressources afin de permettre le maintien en bon état écologique des ressources pour satisfaire les besoins humains (eau, nourriture, matières premières etc.). Or, une nouvelle approche propose de reconstruire le lien entre le monde vivant « humain » et le monde vivant « non-humain », afin de mieux en cerner les dépendances et les interactions qui les lient. En termes de santé, l’approche One Health « vise à promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires » (ANSES 2020), ce qui traduit la prise de conscience des liens étroits entre la santé humaine et la santé des autres espèces (faune et flore) de l’écosystème. Cette vision holistique de la santé, très utilisée dans le cas de l’étude des zoonoses, permet d’intégrer dans un même objectif les santés animale, environnementale et humaine, de manière à décloisonner les pratiques et les disciplines relatives à la santé. Le modèle de « santé planétaire » vise quant à lui à « prendre en compte l’influence des écosystèmes naturels et anthropiques sur la santé humaine, et à envisager la santé de la planète elle-même » (Santé Publique France, 2021) et permet de prendre en compte la santé humaine mais aussi la santé des écosystèmes dont elle dépend.