Changements climatiques, qualité de l’air et santé

Virginie HUGUES (consultante), Béatrice JOSSE (Météo-France et CNRS – CNRM)

En 2018, 27 procédures départementales d’informations pour épisode de pollution et 10 procédures d’alerte (avec mise en place de mesures d’urgence visant à limiter les activités sources de pollution de l’air) ont été déclenchées en Occitanie (ATMO Occitanie, 2019). Le lien entre changements climatiques, santé et qualité de l’air est avéré mais demeure assez récent.

L’étude des modifications de la composition chimique de l’air dues aux changements climatiques et de leurs conséquences en termes de santé commence à apparaitre et a été largement analysée à l’échelle globale ou continentale (outil de visualisation de données relatives à la santé de la plateforme VizHub, le projet européen IMPACT2C, etc.), mais nous ne disposons pas à ce jour de données précises à l’échelle de l’Occitanie.

L’air est composé de gaz et de particules, pour certains d’origine anthropique (transports, produits phytosanitaires) et pour d’autres naturelle (éruptions volcaniques, pollens) qui, lorsque leur concentration augmente, vont altérer la santé des individus et endommager les voies respiratoires, le système circulatoire et neurologique, augmenter le risque de maladies liées à la pollution de l’air (cancers, maladies ischémiques, maladies cardiaques et pulmonaires chroniques etc.). Il apparait que l’exposition chronique à la pollution détériore davantage la santé que les pics de pollution (URPS Occitanie).

Etude de la composition chimique de l’air : climat et émissions

L’étude de la qualité de l’air doit prendre en compte l’analyse du climat et des changements climatiques mais aussi les trajectoires des émissions de substances polluantes. Des synergies existent entre ces deux phénomènes.

Par exemple, les changements climatiques vont potentiellement créer des conditions favorables à une formation d’ozone plus fréquente, à une augmentation des concentrations de particules fines associées à des incendies, ou à des brumes de sable du Sahara (Santé Publique France, 2019), qui ont notamment atteint la région Occitanie à plusieurs reprises en 2021.

Un épisode de pollution aux particules en suspension PM10 (particules dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres et peuvent pénétrer les bronches) a eu lieu pendant plusieurs jours en mars 2021 dans les départements des Hautes-Pyrénées, de l’Ariège, des Pyrénées- Orientales et de la Haute-Garonne.

Certains gaz composant l’air ont un Potentiel de Réchauffement Global (PRG) important : avec comme base 1 pour le CO2, le méthane a un PRG à 100 ans de 30 (GIEC, AR5, 2013) ; d’autres composantes de l’air, comme certaines particules, grâce à un albédo élevé, auront un effet, à l’inverse, refroidissant. En revanche, si elles ne contribuent pas directement à un réchauffement du climat, ces particules sont néfastes pour la santé et sont responsables d’un grand nombre de maladie et de décès.

Les particules et gaz présents dans l’air n’ont pas les mêmes effets en termes de santé ou de climat : certaines espèces impacteront uniquement la santé, d’autres, uniquement le climat, d’autres encore seront néfastes pour la santé et contribueront également à modifier le climat. Toutefois, l’effet de la modification de la composition chimique de l’air sur le climat aura également des effets indirects sur la santé humaine (canicules et altération de la qualité de vie, augmentation de certaines maladies etc.), mais aussi sur la santé des écosystèmes.

La pollution à l’ozone et aux particules fines, fortement néfaste pour la santé humaine

La pollution à l’ozone est responsable de nombreux décès et un climat plus chaud pourrait être favorable à la formation et la concentration de l’ozone, et ainsi accroitre ses effets sur la santé (Corso et al., 2015). Néanmoins, la hausse des températures pourra également entrainer une augmentation de la hauteur de la couche limite de l’atmosphère, la quantité de polluants serait donc moins concentrée : le phénomène prédominant n’est pas toujours identifiable.

L’utilisation de différents modèles (CHIMERE, EMEP, MATCH, MOCAGE) dans le cadre du projet européen IMPACT2C (2011-2015), a permis d’identifier qu’une augmentation du climat de +2 °C modifierait la composition de l’atmosphère en termes de concentration d’ozone et de particules notamment, en partie due à des changements de température, des précipitations, de la circulation atmosphérique ou encore à des turbulences dans la couche limite de l’atmosphère.

La qualité de l’air est un enjeu majeur de santé publique et fait l’objet d’observations quotidiennes pour prévenir les pics de pollution et les risques sanitaires qu’ils induisent en vue d’adapter nos comportements (mobilité, pratique sportive, etc.). Les changements climatiques, et en particulier les vagues de chaleur, peuvent modifier la composition de l’air et altérer la santé des individus dans les territoires concernés. Ce constat renforce la nécessité d’adapter nos comportements lors des épisodes de forte pollution.