Prise de conscience et communication valorisante

Isabelle RICHARD (Environnons)

Quelles stratégies mettre en place pour favoriser des modes de vie plus écologiques ?

La théorie de la dissonance cognitive, bien qu’étant un concept ancien (Festinger, 1957) en psychologie sociale, est toujours d’actualité. Cette théorie nous démontre qu’être d’accord avec une idée ne signifie pas agir pour modifier la situation et mettre en oeuvre le comportement. Ainsi, les intentions ne sont pas toujours suivies d’actes. Nous pensons néanmoins que quelques éléments peuvent permettre d’accélérer ce changement.

• Ne pas attendre de solutions clés en main mais plutôt parier sur une imbrication des savoirs

Les psychosociologues sont souvent interpellés pour répondre à une problématique du changement de comportement dans divers secteurs de la transition écologique. Régulièrement les attentes sont fortes à ce sujet qui requiert une rapidité d’exécution qui n’est pas cohérente avec le processus, plus long, du changement des pratiques. Si parfois nous avons l’impression que cela ne va pas assez vite, il faut se rassurer sur le fait que plus le changement s’opère en transition, s’installe dans le temps, plus il s’ancre dans les pratiques, les habitudes et les valeurs de l’individu.

La théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (Deci et Ryan, 2002) nous apprend à ce titre qu’il est nécessaire d’observer chez les individus une motivation intrinsèque à faire un comportement si l’on veut qu’il soit pérenne dans le temps, c’est à dire une motivation qui vient de lui, une motivation qui porte sur ses valeurs, sur ce en quoi il croit. Afin de tendre vers cette motivation, il est nécessaire que chaque comportement de protection de l’environnement effectué par l’individu soit conscientisé.

Le nudge (façon d’influencer sans contrainte en modifiant les aménagements, les conditions autour de l’individu) ou encore la communication engageante (engager les individus en lui faisant réaliser des actions) ont montré leur efficacité pour changer les comportements sur le court terme. Cependant, on s’aperçoit vite que ces changements ne sont pas pérennes car non conscientisés par l’individu, qui, dès qu’il en aura l’occasion ou que la situation changera, reviendra à la situation initiale. En effet, ces deux dernières méthodes ne permettent pas l’intériorisation des valeurs environnementales des individus car elles ne donnent pas le temps de la réflexion, de l’apprentissage et de l’internalisation des changements de comportements, qui sont alors induits par l’extérieur (motivation extrinsèque).

Ainsi, ces techniques seraient davantage utiles, par interjection, dans des méthodologies centrées sur des schémas de changement plus long tels que le permettent les modèles en étape du changement (par exemple, le modèle RUBICON de Gollwitzer ou le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente). Ces modèles considèrent le changement comme un processus comportant plusieurs phases allant de l’inaction totale, à la conscience du problème, à la planification des actions à réaliser pour le solutionner, à la mise en place des actions concrètes et à leur pérennisation. Comprendre dans quelle phase se situe.nt le.s individu.s dont on veut faire évoluer le comportement permet de mieux cibler la communication et les arguments à lui transmettre et permet également de faciliter le passage à l’action par des aménagements plus structurels dont il aurait besoin pour changer.

• Communiquer autrement – changer d’objet de communication

Également, il nous apparait important, pour faire évoluer les comportements, de réinventer une autre forme de communication basée sur les notions de bien-être et de santé de l’individu plutôt que sur des critères susceptibles de le culpabiliser ou de lui faire peur. Ainsi, il pourrait être intéressant de créer un récit du collectif sur les modes de vie, de travailler les communications autour d’une norme sociale valorisante plutôt que sur un ton réprobateur mais aussi d’aborder la problématique avec un cadrage positif de l’information plutôt que négatif.

Enfin, changer les comportements de consommation implique en amont d’aider les individus à se projeter dans le moyen / long terme car nous réagissons tous aux urgences et nous n’avons pas le temps de penser la pérennité et la valeur à long terme des actions. Il conviendrait donc de penser cette façon de communiquer dans les projets de transition écologique.