Risques quantitatifs

Yves TRAMBLAY (IRD – HSM), Freddy VINET (UPV – LAGAM), Alexandre BRUN (UPV – LAGAM)

Le réseau hydrographique et les régimes hydrologiques de surface en Occitanie sont particulièrement variés. Pour l’usage de cette synthèse, nous considérerons deux grands ensembles hydrographiques.

A l’ouest, celui de la Garonne et de ses affluents (Lot, Tarn…) qui conflue avec la Dordogne en Gironde avant de rejoindre l’Atlantique (Eaucéa, 2020). Dans sa partie pyrénéenne, c’est une rivière torrentielle avec un régime pluvio-nival marqué. La fonte des neiges engendre de forts débits au printemps tandis que la période d’étiage commence avec les premières neiges dès l’automne. Dans la plaine toulousaine et plus en aval, les écoulements de la Garonne sont fortement modifiés par les apports des affluents de régime pluvial. Les crues du fleuve résultent alors des pluies de longue durée sur l’ensemble du bassin versant. À Toulouse, son débit durant la crue du 23 juin 1875 atteint environ 7000 m³/s, soit 36 fois le débit moyen annuel.

A l’est de l’Occitanie, une dizaine de fleuves côtiers se jettent dans la Méditerranée. La plupart descendent des Cévennes ou de l’arrière-pays héraultais (Vidourle, Lez, Hérault, Orb…). D’autres, plus à l’ouest, ont leurs sources dans les Pyrénées (le Tech, la Têt et l’Aude). Dans les deux cas, leur régime est méditerranéen. La période des hautes eaux qui s’étale de septembre à décembre est caractérisée par des épisodes extrêmes à l’origine de fortes inondations. Par exemple, les crues de l’Aude survenues en octobre 2018 causent la mort de 14 personnes et suscitent l’émotion de toute la nation. Celles du Vidourle et des Gardons, en 2002, violentes et meurtrières, précipitent la mise en oeuvre d’un programme d’actions de prévention des inondations.

Dans toute la région Occitanie, le changement climatique risque d’accentuer la durée et l’intensité des étiages, déjà sévères. L’augmentation de la température moyenne surtout au printemps et en été (+2,4 °C en août à Montpellier entre la période 1951-1980 et 1991-2020) accentue l’évapotranspiration, ce qui réduit l’humidité des sols et donc le ruissellement de surface (Dayon et al., 2018). Les scénarios existants indiquent une possible augmentation de la durée des périodes d’étiages, de l’ordre de +10 % à +35 % selon les scénarios climatiques de +1,5 °C à +3 °C (Tramblay et al., 2020). La diminution de la durée d’enneigement en moyenne montagne et le retrait des glaciers pyrénéens prive déjà les cours d’eau de ressources hydriques en saison chaude et les changements climatiques en cours induisent une transition d’un régime nival vers un régime pluvial. Ces changements combinés induisent une baisse très marquée notamment pour la Garonne (Onerc, 2011).

Alors même que la proportion de cours d’eau intermittents est de 56 % sur les versants méditerranéens et de 46 % côté Garonne, des rivières aujourd’hui pérennes deviendront intermittentes avec une plus forte fréquence des assecs notamment durant la période estivale de juin à septembre (Tramblay et al., 2021b). Ce risque accru de sècheresses hydrologiques aura nécessairement des conséquences sur les usages de l’eau, notamment durant la période estivale avec une forte fréquentation touristique.

Figure 3.9. Crue du Lez à Montpellier.
(Source : F. Vinet, 2014)

Concernant les crues, malgré une augmentation observée de l’intensité des épisodes de précipitations intenses, on ne retrouve pas de hausse généralisée dans les données de débits. Cette augmentation de l’intensité de pluies est de l’ordre de 20 % ces dernières décennies, et les scénarios climatiques récents suggèrent que cette hausse va se poursuivre dans le futur (Tramblay et al., 2021a). Les principaux impacts attendus sont liés à une augmentation des ruissellements de surface, plus importants dans des bassins versants plus artificialisés que jadis. En revanche pour les crues fluviales (débordements de cours d’eau), on observe plutôt une diminution de la fréquence des crues, notamment les plus modérées (Sauquet et Lang, 2017 ; Tramblay et al., 2021a ; Di Sante et al., 2021). Cette diminution est attribuée à la baisse de l’humidité des sols à l’échelle des bassins, qui compenserait la hausse des précipitations extrêmes (Tramblay et al., 2019), les conditions initiales de saturation des sols en début d’épisode de crue étant en effet en mesure de moduler très fortement l’amplitude de ces dernières dans les bassins du sud de la France.

Les scénarios hydrologiques établis à l’échelle européenne indiquent que cette baisse observée des crues fluviales devrait se poursuivre dans les différentes trajectoires de climat pour la moitié sud de l’Europe.

Néanmoins il n’existe pas à l’heure actuelle de scénarios spécifiques sur l’évolution des crues dans les bassins d’Occitanie, et il demeure une forte incertitude pour les petits bassins qui sont à l’origine de crues dévastatrices (par exemple les crues de l’Aude en 2018 ont été générées par des petits bassins comme l’Orbieu, Fresquel, Trapel et l’Orbiel).
De tels travaux à une échelle régionale sont nécessaires pour comprendre la réponse hydrologique de différents types de bassins (agricoles, urbains, de montagne…) face à des modifications à la fois du climat et de l’occupation des terres. Néanmoins, ces résultats sur l’évolution récente des crues sont à mettre en perspective avec l’augmentation de la vulnérabilité face à ces épisodes, ce qui suggère que la gestion des extrêmes hydrologiques dépend aujourd’hui moins des effets du réchauffement climatique que de l’aménagement des territoires.