Eaux souterraines

Yvan CABALLERO (BRGM Montpellier – G-EAU), Pierre LE COINTE (BRGM Toulouse)

Les eaux souterraines s’écoulent et s’emmagasinent dans les formations géologiques, qui sont aquifères lorsqu’elles sont suffisamment perméables et poreuses. Elles sont exploitées par pompage via des forages ou bien par captage de sources. Elles alimentent 65 % de la demande en eau potable de la région (CGDD, 2017). En période d’étiage, elles soutiennent les débits des cours d’eau et contribuent au maintien des zones humides dépendantes. Regroupées en près de 150 masses d’eau souterraines à l’échelle de la Région (SDAGEs Rhône- Méditerranée-Corse et Adour-Garonne, 2015), leur fonctionnement est contrasté et souvent mal connu.

La région Occitanie présente une grande diversité de types d’aquifères (figure 3.4, gauche) :

  • a. Les aquifères alluviaux que l’on trouve le long des cours d’eau, actuels (Garonne, Ariège, Tarn, Aveyron, Lot, Adour, Hérault, Orb) ou anciens (Vistrenque), et les aquifères fluvio-glaciaires dans les Pyrénées (bassins en amont de Montréjeau et de Lourdes), sont généralement productifs et en relation hydraulique avec les cours d’eau ;
  • b. Les aquifères sédimentaires sont un empilement de couches perméables (sables, roches carbonatées…) et moins perméables (argiles, marnes…). Productifs sur le littoral, ils sont très exploités (Plaine du Roussillon, Astien d’Agde-Valras). Dans le Bassin aquitain, les Sables Infra-Molassiques, sous-couverture, sont exploités dans le Gers. En montagne, les intenses déformations et plissements subis les rendent plus hétérogènes et compartimentés (voire karstifiés), mais ils sont essentiels pour les usages locaux ;
  • c. Les aquifères karstiques résultent de la dissolution des roches carbonatées par le dioxyde de carbone dissous dans l’eau, qui crée des galeries et des grottes visitables. Sur la façade méditerranéenne, une baisse du niveau de la mer de plus de 1000 m il y a 5 Millions d’années a généré la plupart des systèmes karstiques connus (Lez, Gardiole, bas-Agly) alors que dans les Pyrénées et les Causses du Quercy, d’autres mécanismes ont été à l’oeuvre (Fontaine des Chartreux ; chaînon d’Aspet : Arbas, Aliou, Baget ; plateau de Sault : Fontestorbes, Font Maure, Font Bergens) ;
  • d. Les aquifères fissurés (Cévennes, Montagne Noire, Pyrénées) que l’on trouve dans les formations granitiques, schisteuses, voire volcaniques présentant un horizon altéré en surface et reposant sur de la roche fracturée. Leur productivité est faible mais leurs sources sont captées et essentielles.

Le changement climatique va affecter la consommation de l’eau du sol par la végétation (évapotranspiration) et les flux d’eau qui percolent au travers du sol et dans la roche (recharge) pour atteindre la nappe. La recharge est apportée par l’infiltration des eaux de pluie, des lacs ou des cours d’eau et par des flux venant d’autres aquifères. La figure 3.4 (droite) montre que la recharge potentielle moyenne annuelle est plus élevée sur les reliefs que dans les plaines et sur la côte.

La figure 3.5 montre que, sous le scénario RCP8.5 et d’ici le milieu du siècle (2050), la région pourrait subir un déficit de recharge potentielle sur l’ensemble de son territoire. Ce déficit pourrait être plus marqué sur les plaines et la côte (-20 % à -30 %) que sur les reliefs (-10 % à -20 %). Cependant, la recharge étant plus importante sur les reliefs et ceux-ci contribuant à alimenter les aquifères des plaines, ce moindre déficit peut malgré tout avoir un impact significatif.

Enfin, le déficit pourrait dépasser les -30 % dans certains secteurs comme le haut bassin versant de la Têt, la basse vallée de l’Aude et la vallée de la Garonne à Toulouse (Lanini et al., 2019, Le Cointe et al., 2020, Caballero et al., 2021). La situation pourrait continuer de se dégrader à l’horizon de la fin du siècle avec des déficits supérieurs à -10 % partout et pouvant atteindre, voire dépasser les -30 %, sur les zones indiquées précédemment.

Cette situation compliquera probablement l’approvisionnement des usages dans certains secteurs, indépendamment de l’évolution future de ces derniers. Des progrès restent donc à faire pour mieux connaitre la ressource en eau souterraine de notre région. Ils seront nécessaires si nous voulons envisager des stratégies d’adaptation au climat futur en termes de ressources en eau.

Figure 3.4. Formations aquifères d’Occitanie (d’après champ ThèmeEH de la BDLISA et de la surcouche Karst (Brugeron et al., 2018)) ; droite – Recharges potentielles moyennes (recharge apportée par les précipitations, moyenne annuelle sur la période 1980-2010). Fond de carte : World topographic map – ©ArcGIS.
(Source : Caballero, 2021, pour le CROCC)

Figure 3.5. Anomalies moyennes des projections de recharge potentielle moyenne annuelle entre les valeurs futures à l’horizon 2050 (2041-2060) et présentes (1981-2010) calculées à partir de 5 projections climatiques issues de CMIP5 (Taylor et al., 2012), régionalisées de deux manières différentes (Pagé et al., 2009 ; Dayon, 2015) – Fond de carte : World topographic map – ©ArcGIS.
(Source : Caballero, 2021, pour le CROCC)