Eaux de surface

Roxelane CAKIR (UPS – ECOOMP) : pour les bassins de la Garonne et de l’Adour (avec la collaboration de membres de l’équipe EcoBiz). Camille LABROUSSE (UPVD – CEFREM) : pour les fleuves côtiers méditerranéens.
Valérie BORRELL ESTUPINA (UM – G-EAU) : pour les bassins des Gardons.
Pierre CHEVALLIER (IRD – HSM) : coordination et assemblage.

Le réseau hydrographique et les régimes hydrologiques de surface en Occitanie étant particulièrement variés, ils ont été regroupés pour l’usage de cette synthèse en trois grandes zones :

  • les bassins de la Garonne et du haut Adour, que l’on peut partager en trois sous-zones : la Garonne à l’amont de Toulouse et le haut Adour influencés par un régime nival, les affluents de rive droite (Tarn et Lot) soumis à l’influence du Massif central et les rivières gasconnes de rive gauche contrôlées par le Canal de la Neste ;
  • les fleuves côtiers méditerranéens ;
  • les affluents de rive droite du Rhône (Gardons et Cèze).

Une petite zone au nord de l’Aveyron relève du bassin de la Loire ; elle n’est pas considérée ici. L’infographie ci-dessous présente ces différentes zones et les régimes hydrologiques associés (figure 3.1).

Figure 3.1. Réseau hydrographique de la région Occitanie.
(Source : Infographie réalisée pour le CROCC21)
Les histogrammes représentent des débits moyens saisonniers (trimestriels) spécifiques en L/s/km2 ; ils sont ramenés à la superficie du bassin versant et sont donc comparables entre eux.

1) Garonne et Adour : débits simulés avec le modèle SWAT (projets Interreg Aguamod et Piragua, Cakir, 2020) sur la période historique (1983-2010), ainsi qu’aux horizons milieu de siècle (2021-2050) et fin de siècle (2071-2100) selon le scénario RCP8.5. Printemps = AMJ ; été = JAS ; automne = OND ; hiver = JFM.
2) Fleuves côtiers méditerranéens : débits simulés avec un modèle statistique (Labrousse, 2021) sur la période historique (2008- 2018), ainsi qu’aux horizons milieu de siècle (2040-2060) et fin de siècle (2080-2100) selon le scénario RCP8.5. Printemps = MAM ; été = JJA ; automne = SON ; hiver = DJF.
3) Gardons : l’évolution des débits des Gardons n’est pas représentée ici, elle est décrite dans le texte correspondant.

NB. De nombreuses incertitudes viennent limiter les projections hydrologiques. Elles sont inhérentes, pour la période actuelle, à une connaissance encore limitée des interactions surface-souterrain ainsi que des volumes prélevés. S’agissant de la période future, s’ajoutent d’autres incertitudes liées à la modélisation climatique, à l’extrapolation des scénarios d’usages et de gestion, à l’évolution des ressources en eaux souterraines et de l’humidité des sols, à la modélisation hydrologique dans un contexte non stationnaire. Lorsque cela est possible, ces incertitudes (écarts-types) sont représentées sur l’infographie par des segments verticaux.

Bassins de la Garonne et du haut Adour

Cette section est basée sur les résultats des projets Interreg Aguamod et Piragua. Le projet Piragua utilise les projections climatique Euro-CORDEX et du projet CLIMPY (Interreg POCTEFA), qui montrent une évolution de l’ensemble des composantes de la répartition des ressources au sein du cycle hydrologique (Grusson et al., 2018). On note une augmentation des débits particulièrement marquée sur la période de septembre à mai (figure 3.2). Sur la période estivale cependant, les débits baisseraient sur la majorité du bassin versant, à l’exception de la zone pyrénéenne. On a donc un effet notable de l’augmentation du ruissellement qui participe à l’augmentation des débits, à l’exception de la période estivale. Ce phénomène est dû à l’augmentation de la part liquide des précipitations en hiver en altitude (moins de neige, plus de pluie), des stocks de neige moins importants et qui subissent des épisodes de fonte plus rapide et plus précoce, une augmentation significative des précipitations automnales et une augmentation significative des températures estivales.

La variation des débits à l’horizon 2050 est significative si l’on regarde la variation saisonnière, mais est négligeable si l’on regarde la variation annuelle, les augmentations de débit de septembre à mai compensant les diminutions estivales. À l’horizon 2100, les variations de débit semblent plus marquées, mais elles s’accompagnent également d’incertitudes plus grandes. Concernant les différentes composantes du cycle hydrologique, les résultats montrent un fort impact sur la teneur en eau du sol et une augmentation substantielle de l’évapotranspiration en hiver. En été, une partie des bassins versants de la zone est confrontée à des flux d’évapotranspiration plus faibles, ce qui s’explique par un manque de teneur en eau du sol pour répondre à la demande en évaporation, mettant en évidence une intensification de la sécheresse des sols, impactant le développement végétal. Les flux d’eau de surface diminueraient considérablement en été, alors qu’en hiver, le débit augmenterait dans les têtes de bassin versant montagneuses en raison d’un stock de neige plus faible associé à une augmentation des précipitations liquides, ce qui profite au ruissellement de surface.

Le bassin versant de la Garonne présente en outre la particularité du système Neste, constitué par un canal longeant le piémont pyrénéen depuis Lannemezan pour réalimenter les cours d’eau des coteaux gascons, principalement pour un usage agricole. La pression sur la ressource en eaux de surface provoquée par le changement climatique augmente la difficulté pour ses gestionnaires à répondre aux demandes sociétales et environnementales.

Figure 3.2. Bassin de la Garonne et fleuves côtiers méditerranéens : débit spécifique annuel moyen en L/s/km2 sous un scénario RCP8.5 et pour différentes périodes (classement par superficie décroissante).
(Source : Cakir et al., 2020 ; Labrousse, 2021)

Figure 3.3. Moyenne des débits observés (Qobs) et modélisés (Qmod) en L/s/km2 et écart-type pour la période 2008- 2018.
(Source : Labrousse et al., 2020)

Bassins côtiers méditerranéens

La côte méditerranéenne occitane compte six bassins versants majeurs qui sont du nord-est au sud-ouest : l’Hérault, l’Orb, l’Aude, l’Agly, la Têt et le Tech. Ils drainent les massifs des Pyrénées, Cévennes/Grands Causses et Corbières et leurs fleuves s’écoulent dans le Golfe du Lion. Chacun de ces bassins versants ont pu faire l’objet de recherche concernant le devenir des ressources sous changement climatique ; cet article se concentre sur deux études portant sur l’hydrologie de l’ensemble de ces six bassins versants.

La thèse de Lespinas (2008) montre une réduction des débits des fleuves côtiers méditerranéens de 20 % en moyenne entre 1965 et 2004, avec des disparités amont-aval. La réduction observée concerne la partie amont des bassins de la Têt et de l’Aude, en lien avec une diminution de l’enneigement, visible notamment sur les enregistrements des stations d’altitude. Elle concerne également la partie avale des bassins de l’Hérault et de l’Orb, en lien probable avec une réduction des eaux souterraines et des précipitations hivernales ainsi qu’à un couvert forestier croissant. Dans cette même thèse l’évolution possible des débits de ces fleuves pour la période 2071-2100 par rapport à la référence 1961-1990 a été simulée sous un scénario A2 et B2 (IPCC, 2007), en utilisant le modèle du Génie Rural à 2 paramètres Mensuel (GR2M). Ces simulations montraient une réduction des débits annuels allant de -26 à -54 % ou de -14 à -41 % selon le scénario A2 ou B2 respectivement. Néanmoins, Lespinas soulignait que, malgré la bonne reproduction des séries hydrologiques sur la période de référence, les tendances statistiques n’étaient pas si bien reproduites par le modèle.

Étude actuelle. En partant des données climatiques SAFRAN, Labrousse et al., (2020) proposent un modèle statistique qui a su reproduire à la fois les séries hydrologiques des 6 fleuves côtiers et aussi les tendances linéaires sur la période historique. À titre d’exemple, la figure 3.3 présente la comparaison des écoulements moyens spécifiques (en L/s/km2) sur la période 2008- 2018 selon les valeurs observées (stations de jaugeage) et les valeurs modélisées (modèle statistique).

Régimes futurs : projections période 2040-2060 et 2080-2100 sous un scénario RCP8.5 (voir chapitre-enjeu Climat régional). À partir de données de 6 Modèles Climatiques Régionaux (RCMs), le même modèle statistique est utilisé pour explorer les évolutions des écoulements annuels spécifiques pour les 6 fleuves côtiers sur plusieurs périodes sous un scénario RCP8.5.

De façon générale, ces résultats nous indiquent que sous un scénario RCP8.5 nous pouvons observer une évolution des débits des fleuves côtiers de l’ex-région Languedoc-Roussillon qui va à la baisse, baisse qui serait beaucoup plus importante au cours de la seconde moitié du siècle.

Bassins des Gardons

Cette section est basée sur la bibliographie disponible concernant le devenir de l’hydrologie des bassins des Gardons sous l’influence du changement climatique.

Les Gardons sont des cours d’eau méditerranéens contrastés, aux hétérogénéités géologique, géographique et météorologique amont-aval marquées. L’évolution sur la période 1961-2020 des précipitations ne présente pas de tendance annuelle particulière, mais démontre une grande variabilité interannuelle avec -25 % des pluies l’été, induisant une baisse des débits d’étiage et une augmentation des besoins en eau. Les projections climatiques de fin de siècle pour les Gardons dessinent des cumuls de précipitations estivaux à la baisse (RCP8.5) pour la majorité des simulations (de +15 à -45 %), qui pourraient engendrer une baisse de l’hydrologie des Gardons à l’étiage de -20 à -30 % en milieu de siècle et atteindre -30 % à -50 % à l’horizon 2100. On note que malgré certaines projections de précipitations à la hausse, l’ensemble des résultats suggèrent une baisse des débits moyens, du fait notamment de la forte hausse de l’évapotranspiration. Les simulations montrent aussi une augmentation de la fréquence des étiages, qui pourrait doubler en milieu de siècle et quadrupler en fin de siècle, la durée moyenne des épisodes augmentant dans des proportions comparables.

Les projections futures sur l’évolution des débits de crues restent plus rares et incertaines. La fréquence des pluies intenses automnales augmenterait en fin de siècle (de 2,55 à 3,57 événements/an selon Tramblay et al., 2012) et les événements seraient davantage répartis entre les saisons (Labrousse, 2021). Leurs intensités journalières pourraient aussi augmenter de +5 % en moyenne et atteindre +5 à +40 % l’hiver. Toutefois, aucune information sur leurs intensités infra-journalières n’est disponible, pourtant capitale pour la genèse des crues éclairs. Une augmentation des intensités des orages irait dans le sens d’une augmentation des ruissellements. L’augmentation de la température et des prélèvements irait dans le sens d’une augmentation de la capacité de rétention des réservoirs souterrains, sans toutefois considérer l’évolution des états de surface. Sur le bassin voisin du Vistre (Harader, 2015), une ancienne crue « futurisée » verrait son amplitude augmenter de +10 % et sur le bassin de l’Orbieu (Colmet-Daage, 2018), cette même méthode de futurisation projette une augmentation de +20 à +30 % des débits de pointe à l’horizon de la fin de siècle. Mais selon les états futurs considérés d’humidité des sols et de précipitations, cette variation pourrait aussi bien être largement supérieure que s’inverser !

En l’état actuel des connaissances, les projections futures qui pourraient être retenues pour les Gardons indiquent :

  • des précipitations en baisse l’été avec une aggravation des périodes de sècheresse, une diminution des débits d’étiage d’au moins 30 %, ainsi qu’un possible renforcement de l’intermittence ;
  • des précipitations plus fréquentes, probablement plus violentes, décalées en saison conduisant à des crues éclairs marquées par de forts ruissellements.