Report modal : une action en faveur du climat

Bruno REVELLI (UT2J – LISST)

Quand on cherche à évaluer le bilan carbone des différents modes de transport, il est important de distinguer les volumes totaux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) mais aussi de ramener ces volumes au nombre de kilomètres parcourus par passagers. En termes de volume, le transport routier arrive largement en tête (95 %) reléguant les autres modes à une part marginale. Précisons que parmi ces transports routiers, les voitures (56 % du total des émissions), représentent plus du double des émissions des poids-lourds (22 %).

Ces chiffres peuvent alors laisser penser que le secteur aérien a une empreinte carbone négligeable avec seulement 0,8 % des émissions nationales. Ce serait oublier que ne sont pris en compte que les vols intérieurs mais aussi que le transport aérien surpasse très largement les autres secteurs quand on rapporte ses émissions au nombre de kilomètres parcourus par passagers transportés : 144g de CO2. C’est près du double des 85g de la voiture particulière et 45 fois plus qu’un TGV ! C’est donc bien depuis l’aérien et le routier que le report modal doit s’effectuer vers des modes moins émetteurs.

Aussi, l’importance des navettes aériennes entre Toulouse et Paris contribue à détériorer le bilan des 2107 kg de CO² rejetés par an en moyenne par un habitant de l’Occitanie dans le secteur des transports. Ce chiffre situe la région légèrement au-dessus de la moyenne nationale pour les émissions de GES par habitants dans ce secteur (HCC, 2020). Le report modal apparait d’autant plus prioritaire que les transports constituent, selon l’ADEME, le 1er secteur d’émission de CO2 (30 % du total national) loin devant le chauffage (17 %) et l’industrie (11 %).

Plus préoccupant encore, le transport est le seul secteur dont les émissions augmentent de manière régulière : +11 % depuis 1990 (CITEPA, 2019). On est donc très loin des objectifs de la loi Grenelle de 2010 qui fixait une division par quatre des émissions de GES en 2050 ou de la COP21 qui, pour les secteurs des transports, a fixé l’objectif de 29 % de réduction en 2028. La révision de la stratégie nationale bas carbone a même conduit à faire de la neutralité carbone l’objectif de 2050. A ces effets d’annonce toujours plus ambitieux répondent pourtant des résultats chaque année en deçà des objectifs fixés. La moitié du dépassement est ainsi liée au secteur des transports du fait de la croissance des déplacements et du boom des voitures utilitaires sport (SUV).

Ainsi, depuis 2016, les émissions de CO2 moyennes des véhicules neufs sont reparties à la hausse. Jean-Baptiste Frétigny explique ce constat d’échec par le fait que cette réduction des GES reste un objectif secondaire des politiques publiques de mobilité, par un déficit d’autonomie dans l’expertise et par une hiérarchisation inversée des registres de décarbonation (Frétigny et al., 2020). En effet, parmi les cinq leviers identifiés par Aurélien Bigo pour faire baisser les émissions de CO2 dans le secteur des transports, c’est la solution technologique qui est privilégiée alors qu’elle est la moins efficace et la plus incertaine (Bigo, 2020). Agir sur la demande et favoriser le report modal apparaissent comme les deux leviers les plus efficaces.

Il existe pourtant un moyen efficace d’activer ces deux leviers simultanément : améliorer la cohérence urbanisme – transport, c’est à dire penser un urbanisme plus dense susceptible de favoriser les transports en commun tout en réduisant les distances parcourues grâce à des quartiers multifonctionnels. Juliette Maulat a étudié ces politiques à l’échelle de l’agglomération toulousaine. Si des efforts ont été faits à travers la réalisation du SCOT, elle montre que les principes de ces schémas sont parfois détournés lors de leur mise en oeuvre et souligne divers dysfonctionnements liés notamment à la gouvernance problématique de ces politiques, aussi bien entre les acteurs de l’urbanisme et des transports, qu’entre les différents échelons responsables de ces politiques : Région, Métropole, Communes (Maulat, 2016).

Les contrats d’axes illustrent ces difficultés de mise en oeuvre de tels principes. Leur objectif est de conditionner une amélioration de l’offre de transports en commun avec une densification de l’urbanisation autour de ces stations. Leur mise en oeuvre, que ce soit au sein de la métropole toulousaine ou le long de l’axe Nîmes – Alès, est souvent contrariée par le manque de coordination entre les différents acteurs (Maulat, 2015).