Projet Clim2Power – quelles voies vers la neutralité carbone des systèmes électriques en Europe, sous la contrainte des évolutions climatiques ?

Camille PARROD (ACTeon), Gildas SIGGINI (Mines ParisTech – CMA), Edi ASSOUMOU (Mines ParisTech – CMA), Pierre STROSSER (ACTeon)

La variabilité climatique future (qui fait référence dans ce texte à 22 modèles de projections climatiques pour les deux scénarios RCP4.5 – stabilisation climatique intermédiaire – et RCP8.5 – réchauffement global plus élevé) aura des impacts sur la production d’électricité de sources renouvelables (en particulier éolienne et solaire) au niveau des pays (et groupes de pays) européens, qui diffèrent selon les scénarios climatiques.

En particulier, le projet de recherche européen Clim- 2Power a mis en évidence le niveau d’effort à fournir par les pays pour atteindre la neutralité carbone de l’électricité produite en 2050, tenant compte des effets combinés de la variabilité climatique (changements des précipitations, de l’irradiation solaire soit des heures d’ensoleillement, et de la configuration des vents), et des interactions au sein de l’ensemble du système électrique européen (figure 10.13).

Le graphique montre l’évolution du pourcentage d’électricité produite à partir d’une source d’énergie renouvelable à partir des valeurs historiques (moyenne 2013- 2018) dans les barres grises, jusqu’en 2030 (vert clair) et 2050 (vert foncé). La plage de valeurs pour 2030 et 2050 reflète la variabilité des 22 projections climatiques futures envisagées. Dans certains cas, comme pour la Croatie, le pourcentage en 2030 peut diminuer par rapport aux valeurs actuelles pour certaines conditions climatiques futures. En France, les valeurs varient très peu et pointent vers une augmentation importante d’ici 2050. Quant à l’évolution du pourcentage d’électricité produite à partir des sources éolienne et solaire en particulier, pour la France il y a peu d’incertitudes sur les augmentations nécessaires pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2030 et 2050.

Le service climatique développé par le projet fournit sous la forme de graphiques les résultats des modélisations énergétiques tenant compte de la variabilité climatique, déclinés par pays, et descendant jusqu’à des tranches horaires de 3 heures. Dans l’évolution optimale calculée par le modèle utilisé dans le cadre de ce projet, la capacité installée de production hydroélectrique, éolienne, solaire, etc. à l’échelle européenne et des Etats membres, est augmentée en 2030 et 2050 pour satisfaire la demande croissante d’électricité neutre en carbone. La capacité hydroélectrique supplémentaire installée en France dans les différents scénarios évolue entre 0 et 205 MW en 2030 et entre 137 MW et 478 MW en 2050.

Les impacts du changement climatique sont intégrés dans le modèle sous la forme de facteurs de disponibilité. De nouveaux facteurs de disponibilité sont calculés en tenant compte des données de pluviométrie, à l’échelle des jours-types pour le fil de l’eau, et à l’échelle des semaines-types pour les centrales munies de réservoirs. Le modèle ne tient toutefois pas compte de la demande en eau provenant des autres usages qui peut potentiellement limiter l’eau disponible pour la production électrique (en particulier lorsque les besoins sont les plus importants, et concordent avec des périodes d’étiages des cours d’eau (encadré 10.A).

Figure 10.13. Pourcentage d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, vers un secteur énergétique neutre en carbone.
(Source : ACTeon)

Encadré 1.A. Intégrer les pressions des usages de l’eau dans la modélisation climat – eau – hydroélectricité

Dans le cadre du projet Clim2Power, un modèle conceptuel a été développé autour d’un cas d’étude de retenue hydroélectrique en Occitanie pour représenter les liens entre les effets du changement climatique sur les ressources et les activités, le système hydrologique (à l’amont, au niveau de la retenue et à l’aval) et les besoins à la fois pour l’environnement et les activités consommatrices en eau, dont ceux nécessaires à la production hydroélectrique. Ainsi, des paramètres d’entrée (principalement des paramètres climatiques) et de sortie (cf. ci-après) ont été définis pour les modules suivants :

  • hydrologie/ressource en eau (évapotranspiration réelle, débit d’infiltration, taux de remplissage des nappes souterraines, débit des cours d’eau) ;
  • énergie (prélèvements en volumes d’eau pour le refroidissement des centrales nucléaires, pour la production hydroélectrique et/ou thermique) ;
  • agriculture (évaporation du sol, transpiration des végétaux et demande en eau pour l’irrigation/ les cultures pour ce qui est des productions végétales ; prélèvements en eau pour ce qui est des productions animales) ;
  • alimentation en eau potable pour les résidents et les touristes (consommation unitaire par mois et par commune, prélèvements unitaires par mois et par commune) ;
  • industrie (prélèvements en eau par secteur) ; tourisme et loisirs (besoins en eau moyen par type d’activités) ;
  • écologie (besoins en eau par région et par surface couverte par des végétaux, variabilité de la distribution/répartition des espèces piscicoles par aire) ;
  • gestion des retenues hydroélectriques (prélèvements dans la retenue pour chaque usage de l’eau, débits turbinés).

La mise à disposition d’un jeu de données cohérent (en termes d’unités de mesure, d’échelles temporelles et spatiales), qui n’a pu être constitué dans le cadre du projet, permettrait une application pratique du modèle et de construire des scénarios prospectifs mettant en évidence les contraintes pouvant peser sur la gestion des ouvrages et les marges de manoeuvre à rechercher.