Le train de nuit de nouveau sur les rails

Guillaume CARROUET (UPVD – ArtDev)

Longtemps considéré comme un service par défaut par rapport à la grande vitesse sur les moyennes et longues distances (Zembri, 2017), le TET de nuit (Train d’Equilibre du Territoire) ou Intercité de nuit pour la marque commerciale de la SNCF, est remis au goût du jour. A l’image de son proche-parent le TET de jour, il a pourtant subi une lente décroissance à l’échelle nationale, le service étant réduit à un minimum de deux lignes en activité jusqu’à la fin de l’année 2019 (figure 10.1). A cette date, seules les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse/Latour- de-Carol/Cerbère-Portbou ont été maintenues suite à une décision de l’Etat. Il est vrai que les chiffres de fréquentation soulignent le faible dynamisme de cette offre. Par exemple, le taux d’occupation est passé de 47 % en 2015 à 36 % en 2018 (ART, 2018).

Les facteurs explicatifs de cette désaffection sont à chercher dans un faisceau de causes. La concurrence est rude sur le segment des mobilités de moyenne et longue distance avec la présence des autocars, de l’aérien, du covoiturage, voire même du train lui-même, dont le TGV. Le déficit est une autre explication puisque le train de nuit représente 25 % du déficit de l’ensemble des lignes TET en 2014, pour seulement 1,2 million de voyages de nuit sur 33,9 millions de voyages en TET (Duron, 2015). L’Etat n’est pas exempté de tout reproche si l’on pointe le manque d’investissement dans le réseau ferré national. Les travaux, souvent nocturnes, ont pénalisé les circulations. S’ajoute l’absence d’investissement dans le matériel roulant dont la moyenne d’âge avoisine les 40 ans.

La situation n’est pourtant pas irréversible. A la faveur de quelques faits décisifs, ce service est remis au goût de jour et devient même une solution de report modal face à l’aérien. Le train de nuit est présenté comme une alternative viable du point de vue écologique sur les parcours de longue distance avec respectivement 14 et 8,5 fois moins de CO2 émis par rapport aux vols intérieurs en avion et aux autocars (ADEME, 2018). Ce regain, dirait-on béguin au regard de la couverture médiatique du sujet, se traduit dans le plan de relance de l’Etat à hauteur de 100 millions d’euros consacrés à la cause (modernisation des wagons-lits en particulier). La décision récente du gouvernement d’interdire les vols intérieurs ayant une alternative en train inférieure à 2h30 place d’autant plus le train de nuit comme solution de report modal.

Pour une alternative crédible, il faudra sans doute un projet ambitieux en termes de desserte du territoire national. Sans avoir de certitude à ce jour sur cette relance effective du service de nuit, deux facteurs supplémentaires plaident pour sa cause. La success story de l’opérateur ferroviaire autrichien ÖBB qui déploie un réseau de nuit sur une partie de l’Europe est un facteur d’inspiration non négligeable. L’entreprise devrait d’ailleurs proposer une ligne Genève-Barcelone, avec desserte de Lyon, Avignon et Perpignan d’ici 2024. Plus encore, le rapport additionnel à la LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) paru au printemps 2021, plaide pour une relance significative du réseau de nuit avec la création d’une armature desservant la majeure partie du territoire français.

La région Occitanie est particulièrement concernée par le sujet du train de nuit. Le caractère périphérique de la région peut être atténué en partie par cette densité actuelle ou projetée de l’offre de train de nuit (Carrouet, 2018). Le Conseil régional s’est en effet prononcé très tôt pour le maintien de la branche Toulouse-Cerbère/ Portbou face à un désengagement de l’Etat, en reprenant la moitié du déficit de la ligne. Les perspectives de relance du train de nuit témoignent également de l’importance de cette offre. Le Ministre Jean-Baptiste Djebbari, dans la lignée de la réouverture du segment Paris-Nice, a annoncé l’ouverture de la ligne Paris-Tarbes d’ici la fin de l’année 2021. En définitive, dans l’attente des futures LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan, aux délais de réalisation incertains, le train de nuit semble être un levier favorable au report modal.

Figure 10.1. La desserte par les trains de nuit fin 2019.
(Source : www.ouisncf.fr. Fond : GEOFLA ; réalisation : Carrouet, 2018)