La méthanisation : une technologie productrice d’énergie renouvelable et d’amendement organique

Robin BÉGHIN-TANNEAU (INP Purpan – PPGV), F. GUÉRIN (UPS – GET), M. GUIRESSE (U. Toulouse – EFE), D. KLEIBER (INP Purpan), J.D SCHEINER (INP Purpan – EFE)

La gestion du cycle du carbone organique (Corg) est un levier majeur pour le maintien ou l’amélioration de la fertilité des sols agricoles. La gestion de la quantité et de la qualité du Corg dans les sols agricoles permet par exemple d’améliorer directement leur structure ou indirectement via la stimulation de la macrofaune (vers de terre, myriapodes, cloportes, etc.), de stimuler l’activité microbienne et ainsi faciliter la libération de nutriments sous des formes biodisponibles pour les plantes, d’augmenter leur rétention en eau, d’augmenter leur capacité à adsorber des nutriments, etc.

Les apports d’amendements organiques visent précisément à augmenter la quantité de Corg dans les sols agricoles afin d’en améliorer les propriétés physiques, chimiques et biologiques. Au-delà de leurs valeurs agronomiques, les amendements organiques sont désormais associés à des fonctions émergentes telles que 1) la production d’énergie renouvelable grâce, entre autres, à la méthanisation ou 2) à la séquestration de carbone par les sols cultivés (Chenu et al., 2019). La séquestration de carbone par les sols cultivés correspond à un transfert de carbone depuis l’atmosphère vers les sols sur une période significative (supérieure à 20 ans).

En raison de la demande sociétale pour la production d’énergie renouvelable et aux politiques publiques associées, la méthanisation se développe en France et en Europe et pourrait devenir le principal mode de gestion de la biomasse fermentescible (Scarlat et al., 2018). En plus de la production d’énergie renouvelable, la méthanisation conduit à la production d’un résidu couramment appelé « digestat » qui est valorisé agronomiquement (Möller et Müller, 2012).

Nos travaux de recherches consistent à évaluer l’influence de la méthanisation sur le fonctionnement d’un agroécosystème par rapport au scénario initial en l’absence de méthanisation (figure 10.9). Nous nous sommes plus particulièrement intéressés au cycle du carbone organique avec pour principale question : estce que l’exportation de carbone lors de la méthanisation via la production du biogaz, puis l’apport du digestat au sol conduit à une diminution de la séquestration de carbone dans les sols cultivés par rapport à un apport de biomasse non digérée ?

Afin de répondre à cette question, nous avons conduit des incubations de sols avec l’ajout d’amendements organiques et tracé le carbone afin de quantifier sa séquestration pour les deux scénarios.

Cette étude a mis en évidence une plus grande séquestration de carbone organique dans les sols pour le scénario méthanisation en raison d’une plus grande stabilité biologique des matières organiques des digestats et d’un ralentissement induit de la biodégradation des matières organiques endogènes des sols (Béghin-Tanneau et al., 2019).

Cette étude souligne le double intérêt de la méthanisation avec la production d’énergie renouvelable et la production d’un digestat ayant une valeur agronomique et environnementale. Le champ d’étude associé à l’influence de l’adoption de la méthanisation sur le fonctionnement des agroécosystèmes à différentes échelles, depuis le sol jusqu’aux territoires en passant par l’exploitation agricole, est large et reste à explorer.

Figure 10.9. Site du campus de Lamothe (EI Purpan), à proximité de Toulouse, sur lequel est installée une installation de microméthanisation.
(Source : École d’ingénieurs de Purpan, 2019)