Les stations touristiques ont-elles un plan de repli ?

Alexandre BRUN (UMVP – LAGAM)

Le Conseil régional d’Occitanie et la Banque des Territoires ont constitué une société de participation dans les stations de ski, la Compagnie des Pyrénées, et une foncière pour soutenir les domaines fragilisés par la diminution de l’enneigement. Il s’agit de diversifier les activités pour les quatre saisons et de moderniser l’hôtellerie.

La première station concernée est le Grand Tourmalet. La crise sanitaire a du reste remis en selle le ski de fond et les stations familiales de moyennes altitudes : les retours d’expériences seront utiles pour déployer un « plan de repli » plus global à l’échelle de l’Occitanie. Le tourisme de fraicheur, combiné par exemple au thermalisme ou bien aux sports d’eaux vives, est un marché prometteur – même s’il ne faut pas en surestimer le potentiel commercial.

La situation des stations balnéaires face aux conséquences des changements climatiques est complexe. La plupart des stations balnéaires, implantées de façon localisée dans la deuxième moitié du XIXe siècle puis massivement dans l’entre-deux guerres et surtout à partir des années 1960, sont tournées vers la plage (figure 9.3). Celles de deuxième génération ont été conçues ou modernisées dans le cadre de la Mission Racine pour littoraliser l’économie régionale de l’ex-région Languedoc- Roussillon.

Agde, par exemple, compte 29 000 habitants permanents (2018) et presque dix fois plus l’été, pour beaucoup au Cap d’Agde, station fantôme l’hiver. Leur reconversion, leur diversification et encore moins leur « recul » ou leur « recomposition », n’ont pas été prévus à l’époque des Trente Glorieuses. En résumé, rien à voir avec les stations de montagne, plus petites et moins stratégiques dans l’économie régionale.

Ni l’organisation des milliers d’immeubles d’habitation où les studios cabines abondent, ni la composition urbaine des stations balnéaires ne faciliteront le chantier de l’adaptation qu’imposent autant le vieillissement des équipements que les effets des changements climatiques. La Grande Motte semble réussir le pari de la ville hybride, c’est-à-dire comprenant de plus en plus d’habitants permanents tout en conservant son statut de station balnéaire.

Mais toutes les stations ne sont pas aussi riches. Au demeurant, toutes n’ont pas bénéficié du traitement architectural et urbain de la Grande Motte – exceptionnel – ou de sa localisation, avantageuse, dans l’orbite de Montpellier. Il subsiste de surcroit de légitimes interrogations chez les élus locaux, les gérants d’hôtels et de campings et les estivants eux-mêmes au sujet de la nature, de l’ampleur et des temporalités propres aux effets des changements climatiques. La mer monte, certes, mais à hauteur de quelques millimètres par an.

En résumé, c’est un processus invisible. Comment, dans ce contexte, mobiliser les pouvoirs locaux ? C’est pourquoi, jusqu’à présent, les territoires n’ont pas reculé. Pour aller où, au reste ? Dans les zones de l’arc rétro-littoral – encore non bâties précisément parce qu’elles sont exposées aux incendies, aux crues violentes des fleuves côtiers ou réservées à l’agriculture ou au maintien de la biodiversité ?

Figure 9.3. Plan d’aménagement touristique de la côte du Golfe du Lion.
(Source : © Stéphane Coursière et Llewella Maléfant)

Les tempêtes à l’origine des phénomènes de submersion marine surviennent quant à elles, majoritairement en hiver lorsque la côte est désertée de ses vacanciers. Par conséquent, le risque, même s’il existe, est relativement limité. En revanche, le recul de la majorité des plages constitue un enjeu majeur car c’est là que se concentrent les activités.

La plage reste la principale source de revenus de l’économie balnéaire : impossible de s’en passer, quitte à la recharger périodiquement et à affronter les controverses soulevées par des habitants et des touristes plus sensibles aux arguments écologiques et relayés par la presse régionale. Paradoxalement, le problème de l’érosion est moins directement lié aux changements climatiques qu’au fait d’avoir urbanisé de façon massive des côtes particulièrement mobiles car majoritairement basses et sableuses.