Les petites villes littorales en situation de dépendance très forte au tourisme : le cas de Marseillan

Joël IDT (UGE – Laburba), Jules-Mathieu MEUNIER (UGE – Laburba), Lucie RENOU (UGE – LATTS)

L’organisation de la société locale de Marseillan, petite ville littorale de l’Hérault, est profondément marquée par le tourisme, sous différents aspects. Depuis l’après guerre, il a été le principal moteur du développement de la commune. L’économie locale repose essentiellement sur l’industrie touristique.

Toutes les politiques d’aménagement du territoire ont été orientées vers le développement de celle-ci, comme l’illustre la création et l’aménagement de Marseillan Plage, la station balnéaire, située à 5 km du centre villageois ancien au bord de l’Étang de Thau, et qui concentre 75 % des résidences secondaires, les 19 campings et la majeure partie des commerces et des activités saisonnières

Marseillan se caractérise aussi par l’importance des variations démographiques dues au tourisme. La population présente sur le territoire communal passe d’environ 8000 en hiver à près de 60 000 au plus fort de la saison. Le tourisme joue ainsi sur la sociologie de la population. Au quotidien, les habitants permanents souvent natifs de Marseillan côtoient aussi bien des touristes occasionnels que des néo-retraités ayant acquis une résidence à Marseillan pour y vivre toute ou partie de l’année. Enfin, la gestion au quotidien de la commune est rythmée par l’organisation et le déroulement de la saison touristique. Les politiques locales et la gestion urbaine (de l’aménagement urbain à la gestion des réseaux, en passant par la sécurité, les commerces ou la santé) sont orientées par les questions touristiques.

A plus long terme, le tourisme est au coeur des perspectives d’évolution du territoire et des instruments de planification. Notre recherche dans le cadre du programme POPSU Territoire montre à quel point Marseillan s’inscrit dans un sentier de dépendance au tourisme, à la fois par la présence très forte des infrastructures matérielles (à commencer par le parc de résidences secondaires mais aussi les locaux commerciaux ou les équipements de loisirs) et par l’organisation sociale (activités quotidiennes des habitants, temporalités sociales, organisation de l’action collective et des acteurs, etc.) (figure 9.4).

Cette situation n’est pas sans poser problème ou engendrer d’effets pervers :

  • dualisation de la société locale entre habitants historiques et nouveaux venus ;
  • tensions entre les activités touristiques dominantes et les secteurs économiques minoritaires ;
  • pression sur l’urbanisation et sur les besoins en logements (Marseillan est tiraillée entre une attractivité touristique et résidentielle croissante et une restriction drastique des possibilités d’urbanisation nouvelle, ce qui contraint une partie des habitants – les jeunes ménages notamment – à s’éloigner du littoral pour s’installer dans l’arrière-pays) ;
  • effet pervers en matière d’environnement (les efforts d’adaptation vers un tourisme plus respectueux de l’environnement ne viennent pas alléger la pression du tourisme de masse qui reste la clef de voute du fonctionnement du territoire) ;
  • tension entre un modèle économique condamné à terme et des politiques intégrant le risque de submersion marine qui peinent à voir le jour (en dépit de l’émergence de cette préoccupation au niveau des services de l’État et d’une partie de la population, les acteurs locaux ont des difficultés à porter ce sujet, tant politiquement qu’opérationnellement, et à l’intégrer dans leurs politiques et leurs projets d’aménagement) (Idt et al., 2021).

Le cas de Marseillan est emblématique de la situation de nombreuses petites villes littorales dont la trajectoire de développement est similaire. Notre recherche- action a été réalisée en partenariat avec la municipalité de Marseillan, via des rencontres et des visites de terrains régulières avec les acteurs locaux, ainsi qu’à travers l’organisation d’un séminaire-débat partenarial entre acteurs et chercheurs, dans le but notamment de mettre en regard le cas de Marseillan avec celui d’autres communes touristique du littoral languedocien.

Ce partenariat a permis de pointer et de mettre en discussion les problèmes et les difficultés rencontrés, en même temps que des pistes de travail possibles pour l’action publique locale : la requalification des infrastructures touristiques (et en particulier du parc de résidences secondaires) comme levier d’adaptation du territoire aux risques liés au changement climatique, l’amélioration de la connaissance et de la prise en compte des transformations démographiques locales dans les outils de planification urbaine, la mutualisation des problèmes liés au tourisme (entre communes littorales voisines autant qu’entre communes littorales et rétro-littorales), domaine qui demeure dans une large mesure aujourd’hui un pré-carré communal alors que les effets pervers sont collectifs.

Figure 9.4. Processus d’urbanisation de Marseillan. La croissance urbaine s’opère par extension jusqu’à début des années 2000 en investissant massivement le littoral, avant de procéder ensuite par densification des secteurs déjà urbanisés.
(Source : agence Alphaville, 2020)