Le virage de la diversification touristique dans les massifs : un renouvellement des trajectoires territoriales des stations

Emmanuelle GEORGE (UGA – INRAE LESSEM), Laura ROUCH (UGA – INRAE LESSEM), Coralie ACHIN (UGA – INRAE et commune de Valloire), Hugues FRANÇOIS (UGA – INRAE LESSEM).

Le tourisme de sports d’hiver a profondément structuré le développement et l’aménagement des territoires de montagne français, et ce depuis plus de 50 ans. Passée la phase d’expansion dans le prolongement de l’Après- Guerre, les années 1990 ont marqué l’engagement dans la période de gestion du parc de stations existant, et ce, dans le prolongement des premières difficultés apparues dès les années 1980. Ces dernières concernent les premiers hivers sans neige, le tassement de la fréquentation touristique, les premières méventes immobilières mais interrogent également les capacités financières des collectivités locales.

Dans ce contexte d’incertitudes, la notion de diversification touristique s’affirme dès les années 2000, comme une stratégie visant à moins dépendre du ski. Après une volonté initiale de structurer une forme de tourisme « 4 saisons », la diversification touristique s’est rapidement recentrée sur deux saisons en privilégiant le développement de la fréquentation estivale à une échelle territoriale élargie (Achin, 2015). L’enjeu est alors de mobiliser les ressources territoriales, dans une perspective de spécification de l’offre touristique (François, 2008). Pour leur mise en oeuvre, ces démarches de diversification touristique ont reposé sur des initiatives individuelles mais ont aussi été soutenues par plusieurs dispositifs d’action publique. La mise en oeuvre de la diversification a dû composer avec la diversité des contextes, des enjeux et des trajectoires territoriales de développement. Ainsi, en fonction du poids du tourisme neige dans l’économie locale, les vulnérabilités du secteur touristique ont pu expliquer que le Commissariat de massif des Pyrénées (CMP) ait encouragé en 2007 la structuration de pôles touristiques, organisés autour des stations considérées comme des locomotives et visant la constitution de territoires de projet (CMP, 2007). Au même moment, la région Rhône-Alpes, via son dispositif Contrat Stations Durables ciblait principalement la gouvernance et la professionnalisation des acteurs à l’échelle des stations.

Le Massif central, davantage orienté sur l’agriculture, s’est emparé du tourisme en 2015 via les Pôles de pleine nature, pour valoriser des formes de tourisme plus doux et attirer de nouvelles populations résidentes. Dans le massif des Alpes, initialement focalisée sur l’échelle de la station, la diversification s’est ensuite déportée à une échelle territoriale élargie avec le concept des Espaces Valléens. Aussi, en fonction des situations particulières dans les différents massifs, à des rythmes différents, la convergence projet de territoire / projet touristique, et in fine la possible assimilation entre territoire de projet et destination touristique, a progressivement guidé la détermination de l’échelle de mise en oeuvre de la diversification.

En termes d’activités et de produits, et avec un recul de plusieurs décennies, force est de constater que la dynamique de diversification touristique repose essentiellement sur des activités et des prestations au final assez similaires. Les activités de pleine nature (randonnées pédestres ou à vélo) constituent les principales activités développées dans les stations et les territoires de projet (et plébiscitées par les prestataires touristiques locaux). En parallèle, les activités relevant de la diversification peuvent aussi être synonymes d’investissements pour la création d’équipements et infrastructures, témoignant de l’implication forte des pouvoirs publics dans le domaine du tourisme, à l’image de centres aqualudiques ou de musées (Achin et al., 2018). Cette tendance à l’uniformité s’inscrit dans une forme de mimétisme, découlant de la recherche, dans la diversification, d’un nouveau mode de développement local par lequel les territoires pourraient bénéficier de retombées économiques comparables à celles ayant contribué à la dynamique de développement des stations de sports d’hiver.

Les processus de diversification, spontanés comme soutenus politiquement, ont amené des recompositions territoriales, interrogeant la centralité des sports d’hiver au sein de territoires de projet comme le renouvellement de la gouvernance touristique et territoriale. En effet, la mobilisation de ressources issues des secteurs agricole, culturel ou de l’environnement contribue à élargir le système d’acteurs et à mettre en exergue les visions différenciées du territoire et de son futur. Cela questionne les capacités collectives des acteurs à travailler, agir et apprendre ensemble, dans une logique de territoire apprenant (Rouch, 2021). In fine, l’ensemble des choix réalisés localement (liés aux formes comme à la gouvernance de la diversification) interrogent l’ampleur des retombées économiques et territoriales escomptées. Ainsi, dans le contexte actuel de transition territoriale pouvant dépasser le cadre du secteur touristique, notamment en lien avec la relocalisation d’activités agricoles et/ou artisanales, le développement de dynamiques résidentielles mais également les évolutions des modes de vie ou des mobilités, l’enjeu est bien d’évaluer les recompositions à l’oeuvre ainsi que leurs bénéfices et impacts pour les territoires concernés, notamment en termes de trajectoires d’évolution (George-Marcelpoil et al., 2016).

NB : cette contribution se fonde sur des résultats issus de nos travaux de recherche sur les processus de diversification touristique à l’oeuvre dans les Espaces Valléens du massif alpin, en termes de nature de l’offre de diversification comme de leur gouvernance. Au-delà des contours du dispositif d’accompagnement susnommé Espaces Valléens mis en oeuvre dans le cadre du POIA (Programme Opérationnel Interrégional des Alpes), la notion d’espace valléen contribue à renouveler la vision des dynamiques de développement du tourisme de montagne et de la place relative qu’y occupent les stations de sports d’hiver. L’enjeu est de mettre en perspective ces résultats avec les dynamiques présentes en Occitanie, sans pour autant nous prévaloir d’analyses en Occitanie aussi fines que celles menées dans les Alpes.