Concevoir et évaluer des systèmes de grande culture adaptés au changement climatique

Évaluation des performances de systèmes en agriculture de conservation sur le bassin Adour-Garonne : quelques résultats du programme BAG’AGES (2016-2021)

Lionel ALLETTO (INRAE – AGIR), Julie CONSTANTIN (INRAE – AGIR)

Le projet de recherche BAG’AGES, financé par l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et la Région Occitanie, avait pour objectif de quantifier les performances agronomiques, environnementales et socioéconomiques de systèmes mobilisant différents niveaux de pratiques agroécologiques (diversification des rotations des cultures, utilisation de couverts végétaux, agroforesterie, réduction/ suppression du travail du sol), avec un effort particulier d’étude de systèmes en agriculture de conservation dans différents contextes agropédoclimatiques du bassin versant Adour-Garonne. Près de 60 exploitations réparties sur le bassin versant ont été enquêtées pour évaluer leurs performances technico-économiques à l’aide de différents indicateurs.

En parallèle, un réseau de 12 parcelles situées sur des exploitations a été instrumenté et suivi durant 3 années pour évaluer le fonctionnement global du système solplante en couplant expérimentation et modélisation. Enfin des travaux de modélisation à l’échelle de petits bassins versants ont visé à quantifier les effets des pratiques agroécologiques sur la dynamique hydrique de ces bassins. Dans cette courte synthèse, seuls les principaux résultats issus des parcelles suivies durant 3 années sont présentés.

Les travaux expérimentaux menés sur des parcelles en agriculture de conservation et, pour certains sites, sur des parcelles mitoyennes cultivées avec labour, font ressortir un fonctionnement hydrique des sols différent de celui observé sur des parcelles travaillées. Les capacités d’infiltration de l’eau sont généralement plus élevées (de 2 à 8 fois) et plus stables dans le temps, à l’échelle d’une saison culturale, que celles mesurées sur parcelles labourées.

Ces différences s’expliquent par une meilleure stabilité structurale du sol en lien avec l’accroissement des teneurs en carbone organique en surface du sol et par une meilleure connectivité du réseau poral sur l’ensemble du profil de sol, qui est ainsi plus performant dans la conduction de l’eau. Par ailleurs, l’activité de la macrofaune des sols (vers de terre notamment), plus intense en agriculture de conservation, est à l’origine d’un réseau de macropores capables de faire circuler l’eau lors d’épisodes pluvieux intenses, réduisant ainsi les risques de ruissellement de surface ou sub-surface.

Sur certains types de sol (notamment sur sol limoneux de vallée alluviale), une augmentation de la rétention en eau des sols est également observée, en particulier dans les horizons de surface, traduisant notamment une évolution de la mésoporosité, gamme de pores impliqués dans la rétention d’eau disponible pour les plantes. Cet accroissement de rétention en eau des sols peut permettre aux cultures de mieux résister aux périodes de sécheresse et d’améliorer l’efficience de l’eau en agriculture de conservation mais, à ce jour, cette hypothèse, soutenue par des observations d’agriculteurs, n’a pas pu être testée expérimentalement.

Par ailleurs, l’origine de l’évolution de la gamme de pores impliqués dans la rétention d’eau demeure non explicitée mais pourrait être, au moins partiellement, liée à une augmentation de l’activité méso et microbiologique des sols et notamment fongique en agriculture de conservation. Les hyphes des champignons, en se décomposant, contribueraient à fournir un réseau de mésopores bien connectés et ainsi à accroitre l’infiltration et la rétention en eau des sols.

Les travaux de caractérisation des populations mycorhiziennes conduits dans le cadre du projet font apparaitre des augmentations significatives à la fois de la diversité mais aussi des taux de mycorhization en agriculture de conservation, ce qui va dans le sens d’une probable amélioration de l’alimentation hydrominérale des plantes dans des sols couverts au maximum et sans perturbation mécanique.

Impact du changement climatique sur les interactions plante-virus

Manuella VAN MUNSTER (INRAE – PHIM), Denis VILE (INRAE – LEPSE)

Dans le Bassin Méditerranéen la production agricole et le fonctionnement des écosystèmes sont fréquemment contraints par des épisodes de sècheresse et d’élévation de la température dont la fréquence et la durée augmentent sous l’influence du changement climatique. Ces conditions climatiques ont également une influence sur l’épidémiologie des virus de plantes, cause majeure des maladies affectant les plantes sauvages et cultivées.

Cependant, une infection virale pourrait également, sous certaines conditions, prédisposer les plantes à une meilleure tolérance à des facteurs environnementaux contraignants. L’identification des paramètres qui gouvernent ces interactions complexes aux conséquences néfastes ou au contraire bénéfiques pour la production végétale est une priorité de recherche.

Nos travaux au sein d’INRAE, dans les unités mixtes de recherche LEPSE et PHIM à Montpellier, participent aux dernières avancées en phénotypage des plantes et en virologie pour analyser les effets des facteurs environnementaux abiotiques (sècheresse, température, concentration en CO2) sur la transmission et la biologie des virus de plantes, et leur impact sur la performance des plantes avec le soutien de la Région Occitanie et de l’Université Montpellier (via PHENOPSIS 2.0 : évolution d’une plateforme de phénotypage plantes à haut-débit en conditions environnementales contrôlées ; le projet APSEVIR, 2015 ou encore l’Initiative Clé Montpellier Université d’Excellence « Risques et Vecteurs », 2021).

Les virus de plantes confèrent une meilleure tolérance aux stress abiotiques

L’avènement de la métagénomique a permis la détection massive de nombreuses espèces virales dans les plantes sauvages sans être pour autant responsables de maladies. Et même, certains de ces virus peuvent être bénéfiques pour leur hôte en améliorant la tolérance des plantes à des stress abiotiques. A ce jour, les mécanismes qui sous-tendent cette tolérance conférée aux plantes par les virus en conditions extrêmes ne sont pas clairement élucidés.

Deux virus étudiés au laboratoire permettent d’avoir des données génériques sur un virus modèle pour lequel nous disposons de nombreux outils moléculaires (le virus de la mosaïque du chou-fleur, CaMV) et sur un virus d’intérêt agronomique qui provoque des dégâts majeurs dans de nombreuses plantes cultivées (le virus de la mosaïque du navet, TuMV).

Nous avons montré que des plants de navet (Brassica rapa) infectés par le CaMV ou le TuMV étaient plus tolérants à un déficit hydrique sévère que des plants non infectés (van Munster et al., 2017). Ces observations et les mécanismes impliqués font l’objet d’une collaboration avec une équipe de l’Université Hébraïque de Jérusalem afin de tester une approche innovante, selon laquelle une inoculation virale dirigée pourrait aider les plantes à faire face à des stress abiotiques. Ces recherches ouvrent la voie à l’utilisation potentielle des virus comme « vaccin de tolérance au stress » dans un contexte appliqué.

Impact des stress abiotiques sur la biologie des virus de plantes

Les virus réagissent à des changements de l’environnement de leur plante hôte. Ainsi, une blessure, une augmentation de la salinité du sol, un déficit hydrique, une augmentation de la température ou de la teneur en CO2 de l’air peut se traduire par une altération de la charge virale, de la virulence et potentiellement de l’efficacité de transmission par un vecteur (Bergès et al., 2020 ; Yvon et al., 2017). Nous avons mis en évidence ces phénomènes avec notamment une augmentation importante de la transmission par puceron vecteur du CaMV et du TuMV (30 % et 100 %, respectivement) lorsque la plante infectée subissait un déficit hydrique sévère (van Munster et al., 2017).

Cette altération de la transmission est spécifique du couple plante-virus considéré et d’autres virus voient au contraire leur transmission drastiquement réduite dans de telles conditions environnementales (Yvon et al., 2017).L’obtention de nouvelles données sur la biologie des virus de plantes (capacité à se multiplier dans l’hôte, virulence, efficacité de transmission) en fonction de l’état physiologique de la plante est essentielle à l’étude des mécanismes impliqués et pour augmenter les capacités de prédiction de l’écologie et de l’épidémiologie des virus, en particulier dans un contexte de changement global.

Vers des systèmes de culture irrigués plus résilients face au changement climatique

Simon GIULIANO (INP PURPAN – AGIR), Valentin DEREMETZ (INP PURPAN), Magali WILLAUME (INP ENSAT – AGIR)

Le projet VACCARM porté par l’UMR AGIR a débuté en 2018 afin de développer des outils permettant de mesurer et de réduire la vulnérabilité des systèmes de culture (SdC) maïsicoles agroécologiques face au changement climatique. Entre l’automne 2018 et le printemps 2020, des ateliers réunissant agriculteurs, techniciens et chercheurs ont permis de co-concevoir des SdC qui répondent aux changements climatiques envisagés en Occitanie.

Pour atteindre à la fois des objectifs économiques, agronomiques, environnementaux (résilience face au changement climatique et qualité de l’eau) et sociaux, ces ateliers ont mobilisé une approche systémique. Ces ateliers ont abouti à la mise en place de SdC expérimentés chez 6 agriculteurs de la région (Tarn, Gers et Haute-Garonne) et sur la station expérimentale de Lamothe où d’autres SdC agroécologiques sont déjà testés depuis 2011 (Ecole d’Ingénieurs de Purpan). Les SdC conçus se situent le long d’un gradient Efficience, Substitution et Reconception (ESR) caractérisant le degré de changement (Hill et MacRae, 1996).

L’ensemble de ces systèmes était comparé à une Monoculture de Maïs conventionnelle, MMConv, une référence locale. Des sondes de suivi de la teneur en eau du sol étaient installées afin d’améliorer le pilotage de l’irrigation. Sur le site de Lamothe, ces mesures étaient complétées par des suivis agronomiques (rendement, adventices) ainsi que par des suivis de la qualité de l’eau, enjeu fort dans le bassin Adour-Garonne. Les données collectées ont permis de comparer les performances des différents SdC (référence et systèmes agroécologiques reconçus) sur de multiples critères (économiques, environnementaux, agronomiques).

Deux des SdC alternatifs mis en oeuvre, l’un réduisant l’usage des produits phytosanitaires (MMEcophyto) et l’autre l’intensité du travail du sol (MMStrip-till), ont obtenu des rendements (respectivement 95±18 et 103±18 q/ha) équivalents au SdC de référence (100±14 q/ha) tout en améliorant la marge semi-nette (respectivement 405±342 et 522±287 €/ha) par rapport au SdC de référence (307±291 €/ha). MMStrip-till et MMEcophyto ont également permis de réduire l’irrigation de 15 % et 19 %, respectivement. De ce fait, ces SdC ont permis d’améliorer la productivité de l’eau de 0,62 et 0,57 q/mm par rapport à MMConv.

Cette productivité de l’eau d’irrigation est un indicateur d’intérêt par rapport à l’adaptation au changement climatique (Bodner et al., 2015). Chez les agriculteurs, les expérimentations doivent continuer afin de confirmer les baisses d’utilisation de l’eau d’irrigation permises par l’utilisation de sondes de teneur en eau du sol. Par ailleurs, sur MMEcophyto, une réduction de 75 % des pertes en produits phytosanitaires dans les eaux de drainage a été observée (Giuliano et al., 2021).

Du point de vue de l’atténuation du changement climatique, la totalité des SdC testés en station a permis de réduire entre 20 % et 40 % les consommations d’énergie par rapport à MMConv (19 514,2 MJ/ha) et par conséquent de diminuer les émissions de gaz à effet de serre afférentes à ces SdC. De plus, la quantité de carbone dans les sols augmente de 0,5 à 5,5 g/kg pour les SdC où le travail du sol a été réduit (voire supprimé) et dans les SdC où des cultures intermédiaires sont systématiquement implantées en hiver. Le SdC en semis direct sous couvert végétal avec apport de compost est celui dont la teneur en matière organique a le plus augmenté. Les cultures intermédiaires nouvellement introduites par les agriculteurs devraient également permettre d’améliorer leur bilan de gaz à effet de serre.

Les résultats obtenus montrent que des compromis peuvent être trouvés au sein des SdC régionaux afin d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en améliorant la qualité de l’eau et/ou des sols, mais ceux-ci doivent être adaptés aux contraintes locales (type de sol, régime hydrique de la parcelle, filières présentes, accès à l’eau…).

Impacts du changement climatique sur la culture de soja et possibilités d’adaptation

Philippe DEBAEKE (INRAE – AGIR), Etienne-Pascal JOURNET (INRAE – AGIR), Pierre MAURY (INP ENSAT – AGIR), Céline SCHOVING (INRAE – AGIR, Terres Inovia), Elana DAYOUB (INRAE, INP ENSAT – AGIR), Jay-Ram LAMICHHANE (INRAE – AGIR), Mathieu ABELLA (Terres Inovia), Lionel ALLETTO (INRAE – AGIR), Charlotte CHAMBERT (Terres Inovia), Luc CHAMPOLIVIER (Terres Inovia), Julie CONSTANTIN (INRAE – AGIR), David Camilo CORRALES (INRAE – AGIR), Hélène RAYNAL (INRAE – AGIR)

La culture de soja (Glycine max (L.) Merr.), apparue dans le Sud-Ouest de la France dans les années 70 après le premier choc pétrolier, a connu un très fort développement à la fin des années 80 (132 000 ha en 1989). Après des fluctuations de surfaces dues aux soutiens spécifiques apportés, une nouvelle envolée est observée : de 22 000 ha (2008) à 186 000 ha (2020) (dont 35 % en Occitanie). Les débouchés du soja comprennent l’alimentation animale (73 %) et humaine. 29 % des surfaces de soja sont cultivées en AB (l’Occitanie cultivant plus de 50 % du soja bio français).

La recherche d’une autonomie protéique a donné lieu à la création d’une filière tracée et durable, en vue d’un arrêt des importations de tourteaux non OGM d’ici 2025. Cette croissance a été permise également grâce aux atouts agronomiques et environnementaux de la culture (faible consommation en pesticides, faible émission de GES, fixation symbiotique de l’azote…) et à la qualité de sa graine (~41 % de protéines, % MS). Le contexte climatique a permis d’envisager une extension vers les zones septentrionales, soutenue en cela par le développement de variétés plus précoces.

Crédit photo : Terres Inovia

Au niveau mondial, les impacts négatifs du changement climatique sur le rendement du soja apparaissent moindres que pour les autres cultures (blé, maïs) du fait d’une disponibilité en eau d’irrigation et/ou de sa localisation en climats tropicaux humides (Porter et al., 2014). Cependant, nos travaux ont montré que l’implantation du soja pourrait être affectée par le changement climatique : en particulier, sans avancée de la date de semis, la levée du soja pourrait être exposée à un défaut de pluviométrie (Lamichhane et al., 2020a).

Les travaux communs INRAE-Terres Inovia (UMT Pactole) s’inscrivent dans l’adaptation au changement climatique de la culture de soja. Plusieurs leviers agronomiques ont été évalués :

  1. La connaissance de la variabilité génétique du soja pour la tolérance à la sècheresse. Schoving (2020) a mis en évidence des réponses stomatiques différenciées au sein d’une gamme de variétés ce qui permet d’envisager une adaptation à différents scénarios de sècheresse. Dayoub et al. (2021) ont montré que les traits racinaires (ex angle des racines) et la croissance précoce pouvaient être proposés comme indicateurs de tolérance à la sècheresse en évaluation variétale.
  2. Le semis (anticipé d’un mois) pourrait permettre d’esquiver la sècheresse estivale et de réduire les besoins en eau d’irrigation (Lamichhane et al., 2020b). Des rendements un peu inférieurs en moyenne au semis conventionnel, mais une teneur en protéines supérieure ont été observés en expérimentation. Il n’a pas été observé de risque accru de fonte de semis (Lamichhane et Aubertot, 2021).

L’allongement de la saison de culture avec le réchauffement permet d’implanter le soja en double culture (soit en dérobé, soit en relay-cropping) après une céréale. Nos travaux évaluent la faisabilité, les performances (actuelles et futures) et la stabilité de ces nouveaux systèmes en s’appuyant sur des réseaux expérimentaux et de la modélisation. Le modèle de culture STICS a été évalué et amélioré sur le soja (Corrales et al., soumis). Des travaux d’inter-comparaison de modèles (dont STICS) sont réalisés à l’échelle internationale dans le réseau AgMip (Kothari et al., soumis) en vue d’explorer les impacts du changement climatique et de tester des adaptations.

Les travaux d’écophysiologie et d’agronomie sousjacents mobilisent les plateformes instrumentées de INRAE Auzeville (Agrophen, Heliaphen, serres, phytotrons) et de Terres Inovia (En Crambade), avec l’appui de partenaires privés (Euralis, RAGT, Caussade). Ceci a permis de développer un algorithme phénologique simple (SPA) pour la prévision des stades et le positionnement des cycles de culture (Schoving et al., 2020). Des travaux sont menés en collaboration avec d’autres équipes européennes au nord (ZALF, Berlin) et au sud (IRTA, Lleida) dans le cadre du projet « LegumeGap » en vue d’étudier la localisation actuelle et future du soja en culture principale et en dérobé (Nendel et al., 2020).

Bien que le soja valorise très bien l’eau d’irrigation (8-10 q/ha pour 100 mm apportés) et nécessite 30 à 50 mm de moins que le maïs (Champolivier, 2006), son développement dans le contexte du changement climatique dépendra de la ressource en eau disponible dans le futur car la plante reste assez sensible à la sécheresse.

Identification et évaluation des stratégies d’adaptations possibles au changement climatique pour le blé, les pommes de terre et le tournesol et impacts sur leur santé

Marie Hélène ROBIN (INP PURPAN – AGIR)
Ont contribué par leur travaux sur le projet OPERATE : Marie-Odile BANCAL, Jean-Noël AUBERTOT, Philippe DEBAEKE, Violaine DEYTIEUX, Marie LAUNAY et Laurent HUBER.

Dans un contexte de changement climatique et de préoccupation croissante pour la sécurité alimentaire, la compréhension et la prévision des effets du climat sur les maladies des cultures deviennent des enjeux incontournables (GIEC, 2014). C’est une préoccupation agronomique majeure, de nature à faciliter l’adaptation de nouvelles pratiques agricoles face aux aléas climatiques actuels et futurs. Le projet de recherche OPERATE « crOP disEase Response to climATE change adaptation », porté par l’INRAE, vise à quantifier les impacts sur la santé des plantes des adaptions aux stress abiotiques majeurs futurs liés au changement climatique dans le cas de 3 grandes cultures (maïs, blé et tournesol).

Au niveau régional d’Occitanie, le projet d’étudiants (École d’Ingénieurs Purpan), a permis dans un premier temps de proposer une analyse des trois filières de production de grandes cultures : céréales/pomme de terre/ tournesol de l’amont à l’aval afin : 1) d’identifier puis sélectionner les voies d’adaptations régionales préférentielles par filière, 2) d’évaluer les besoins et attentes des porteurs d’enjeux pour chacune des filières et 3) d’identifier à dires d’experts les impacts potentiels de ces adaptations sur la santé des plantes et les critères permettant d’évaluer les adaptations. Il s’est avéré que les différents acteurs se sentent en grande majorité très préoccupés par le changement climatique en relation avec des baisses de rendement et de plus grandes difficultés d’accès à l’eau.

L’augmentation de la sévérité des bioagresseurs a été soulignée par tous surtout pour le risque lié aux ravageurs. Pour limiter les effets du changement climatique sur les cultures, les leviers envisagés sont essentiellement du ressort de l’agroécologie comme le levier génétique, la gestion des couverts végétaux ou la diversification des systèmes. De manière intéressante, l’échantillon était à 80 % constitué d’agriculteurs bio plus réceptifs que les agriculteurs conventionnels au questionnement des étudiants.

Le même travail a été réalisé par des étudiants d’Agro- ParisTech. Les principales adaptations retenues sont les stratégies de compensation de la ressource en eau telles que l’irrigation, et l’amélioration génétique de la tolérance de la plante aux stress thermiques et hydriques ; des stratégies d’évitement, telles que la modification des dates de semis et de la précocité des variétés, allant jusqu’à la relocalisation de cultures ; et des stratégies de re-conception de filières en proposant l’introduction d’espèces apparentées comme le seigle dans le cas du blé ou de l’agroforesterie.

La deuxième étape a consisté à simuler les adaptations aux stress abiotiques et leurs impacts sur la production, l’environnement et la santé des plantes. Concernant la culture du tournesol, espèce a priori rustique, des simulations ont été réalisées avec le modèle biophysique SUNFLO sur les performances attendues des adaptations agronomiques au changement climatique qui pourrait consister en une opportunité de l’implanter dans de nouvelles aires de culture plus septentrionales et de diversifier ainsi les rotations.

Concernant la culture de la pomme de terre, le modèle MILEOS® a été utilisé pour anticiper l’évolution du risque de mildiou avec ou sans adaptation des pratiques. On observe une modification des profils épidémiques avec un accroissement des risques au printemps sans incidence majeure sur les cumuls de risques annuels. L’avancement des dates de plantation et le développement de variétés plus résistantes au mildiou et tolérantes à la sècheresse semblent être des voies d’adaptation pertinentes pour la gestion du risque sanitaire.

Concernant le blé, l’évolution du risque sanitaire a été estimé sur rouilles, septoriose, fusariose, piétin verse ; si en l’absence d’adaptation, le risque biotique semble diminuer dans le futur pour la septoriose et la fusariose, se posent alors des questions comme le compromis à trouver face à des irrigations nécessaires pendant la montaison pour le maintien du rendement. La combinaison de plusieurs leviers permettra d’identifier les meilleurs compromis mais également l’évolution possible des risques multiagresseurs.

La dernière étape consiste à identifier les stratégies d’adaptations les plus prometteuses par analyse multicritères. Pour cela, une méthode d’évaluation multicritères, basée sur un modèle de décision multi-attributs qualitatif a été développée et déclinée pour chaque culture. Trois grandes catégories de critères d’évaluation sont considérées : la quantité et la qualité des productions, la maitrise des impacts environnementaux, la maitrise des risques sanitaires.

Les différents critères d’évaluation sont renseignés principalement à partir des sorties des modèles de culture ou des modèles épidémiologiques, et sont complétés par le calcul de quelques indicateurs économiques (marge semi- nette) ou environnementaux (consommation d’énergie) (figure 8.7).

Les résultats d’évaluation multicritères seront présentés aux acteurs du projet et des filières régionales pour identifier les stratégies d’adaptations les plus prometteuses, des voies d’améliorations de certaines d’entre elles et discuter de la faisabilité de leur mise en oeuvre. Au niveau de l’Occitanie, le projet a donc permis d’identifier par enquêtes et expertises les voies d’adaptations préférentielles et les besoins et attentes par filière, d’évaluer à quels horizons temporels ces acteurs se projettent pour les différentes problématiques, et enfin, d’identifier par modélisation les impacts potentiels de ces adaptations sur la santé des plantes.

Figure 8.7. Identifier les stratégies d’adaptations les plus prometteuses par analyse multicritères.
(Source : projet Operate)