Introduction

Philippe DEBAEKE (INRAE – AGIR), Jean-Marc TOUZARD (INRAE – Innovations)

Les activités agricoles sont à la fois très impactées par le changement climatique, fortement émettrices de gaz à effet de serre et porteuses de solutions pour atténuer ces émissions et stocker du carbone. En Occitanie, l’accentuation et l’extension du climat méditerranéen, couplées à une intensification des événements extrêmes, fragilisent une agriculture très orientée vers des filières de qualité, notamment AOP (appellation d’origine protégée) ou AB (agriculture biologique). Les rendements des cultures ou la biomasse des prairies et des parcours sont en effet affectés par des contraintes hydriques et thermiques plus fortes sur les périodes végétative et reproductrice. La composition des graines, des fruits et des feuilles se modifie aussi, pouvant remettre en question une qualité recherchée par les transformateurs ou les consommateurs, à l’image des vins devenus plus alcoolisés et moins acides.

C’est globalement la compétitivité d’une agriculture très contrastée (intensive et souvent irriguée en plaine vs extensive sur coteaux et montagnes) qui est en jeu, mais aussi sa capacité à répondre aux demandes urbaines d’une alimentation plus locale, et à assurer ses fonctions de gestion de l’espace rural y compris, par exemple, pour réduire les risques d’incendie accrus par le changement climatique. L’agriculture d’Occitanie contribue aux émissions de gaz à effet de serre, mais sans doute de manière moins importante (par unité de surface) que d’autres régions françaises du fait d’une plus faible proportion de systèmes intensifs d’élevage et de cultures consommatrices en intrants. La diminution de ces émissions et la compensation par la capture accrue de carbone est pour autant un impératif, en phase avec l’engagement français de réduire de 46 % les émissions du secteur agricole d’ici 2050. Que ce soit à travers la conservation des sols, l’introduction de légumineuses, les modifications des pratiques d’élevage, les économies d’énergie, la limitation des gaspillages ou de la logistique, les leviers sont multiples et déjà testés et engagés dans de nombreuses filières…

En même temps, les situations diversifiées d’Occitanie offrent un large éventail de pratiques adaptatives et de connaissances qui peuvent être sources de résilience, de partages d’expériences, de co-construction de solutions avec les chercheurs, d’analyses ou expérimentations comparées. Les zones climatiquement plus contraintes préfigurent des situations qui seront affectées par le changement climatique, constituant ainsi des zones d’étude privilégiées. Les différents systèmes, espaces et filières de l’agriculture d’Occitanie sont engagés dans une lutte contre le changement climatique, accompagnés en cela par les chercheurs, les collectivités locales, les instituts techniques et organisations agricoles. Evaluer les impacts, préciser les conditions de l’atténuation et explorer les leviers et stratégies d’adaptation suppose création et partage de nouvelles connaissances. C’est un des axes importants des recherches conduites dans les centres Inrae de Toulouse et Montpellier où de nombreuses équipes et disciplines sont impliquées.

Carte 8.A. Les territoires agricoles de la région Occitanie.
(Source : Agri’scopie, 2021).

Pour ce chapitre Agrosystèmes, nous avons choisi de présenter les travaux pour trois grands systèmes de production agricole qui marquent les espaces et l’histoire de la région Occitanie :

  • 1) Les systèmes d’élevage, qui occupent majoritairement les espaces de collines et montagnes et dont la résilience est liée à la gestion des ressources fourragères ou de nouvelles relations entre polyculture et élevage ;
  • 2) les systèmes de grandes cultures (céréales, oléoprotéagineux…) très implantés dans les plaines et coteaux de l’ouest de l’Occitanie et où l’on doit revoir les choix de variétés et de pratiques pour améliorer la tolérance à la sécheresse mais aussi reconcevoir une gestion de l’eau plus durable ;
  • 3) la viticulture qui occupe avant tout les plaines et coteaux (déjà) méditerranéens et a très tôt exploré des leviers d’adaptation (cépage, mode de conduite, irrigation, relocalisation…) qu’elle cherche aujourd’hui à intégrer, avec les chercheurs, dans de nouveaux systèmes et stratégies à plusieurs échelles.