L’Occitanie, une région touchée par les sinistres climatiques

Guillaume SIMONET (RECO – LISST)

Un indice de sinistralité en évolution

Les données collectées par les assureurs, qu’elles concernent l’assurance agricole, des habitations ou des entreprises, permettent de bien illustrer l’ampleur des impacts climatiques. Sur la période 1999-2018 et à l’échelle internationale, la France est le 15e pays le plus touché par les événements climatiques, mais le premier parmi les économies avancées (Ekstein et al., 2019).

D’une moyenne d’un milliard d’euros par an dans les années 1980, le coût des événements climatiques est passé à une moyenne proche de 3 milliards d’euros par an au cours des dix dernières années et la Fédération française de l’assurance (FFA) anticipe un quasi-doublement des sinistres climatiques pour les 25 prochaines années, quantifiant à 35 % la part due aux changements climatiques (FFA, 2015).

Néanmoins, la localisation des sinistres climatiques est inégale sur le territoire national puisque les sinistres climatiques survenus en France entre 1989 et 2018 ont principalement été localisés dans quatre départements, dont trois situés en Occitanie (le Tarn-et-Garonne, l’Aude et le Tarn), le Lot-et-Garonne étant le 4e concerné, lesquels enregistrent depuis trente ans le plus d’inondations, de tempêtes et de sinistres sècheresse en métropole (figure 5.10).

À titre d’exemple et selon l’indice de sinistralité (encadré 5.A), le Tarn-et-Garonne se classe en première position des départements métropolitains en termes de fréquence de sinistres sècheresse et de sinistres tempête, et en 26e position pour les inondations, tandis que le Gers, pour la sècheresse, et le Gard, pour les inondations, font également partie des départements les plus fréquemment affectés sur le territoire national (Chneiweiss et Bardaji, 2020).

Une corrélation étroite s’observe d’ailleurs entre la répartition des zones sinistrées et la présence à faible profondeur dans les sols de formations argileuses, qui présentent de fortes variations de volume en cas de modification de la teneur en eau (voir contribution 6 sur les sols argileux).

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La garantie CatNat (catastrophe naturelle) et TGN (tempête, grêle, neige)

La garantie « CatNat » permet d’indemniser les dégâts causés par une catastrophe naturelle uniquement si un arrêté interministériel paru au Journal officiel constate l’état de catastrophe naturelle pour l’aléa concerné dans la zone où se trouvent les biens sinistrés et si ces biens sont garantis en assurance de dommages.

La répartition départementale des arrêtés CatNat est particulièrement concentrée selon les risques et pour la sècheresse, c’est la Haute-Garonne qui arrive en tête (figure 5.11). Pour rapporter la sinistralité, un indicateur économique usuel dans le monde assurantiel consiste à rapporter le montant des sinistres au montant des primes, dit rapport S/P. Calculé au niveau départemental, ce rapport signale ainsi une redistribution massive de la très grande majorité des départements métropolitains vers plusieurs d’Occitanie tels que l’Aude (S/P = 318 %), le Gard (306 %), l’Hérault (271 %) ou encore les Hautes-Pyrénées (188 %) (figure 5.12 ; Chneiweiss et Bardaji, 2020).

Le vent et la grêle ne sont pas des périls couverts par le régime CatNat, à l’exception, depuis 2001, des « effets du vent dû à un événement cyclonique pour lequel les vents maximaux de surface enregistrés ou estimés sur la zone sinistrée ont atteint ou dépassé 145 km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/h en rafales ». Au vu de la concentration de la sinistralité, la connaissance de ces territoires à risque pourrait permettre d’adapter plus finement le niveau de la prime en fonction du département ou de la région.

Toutefois, les entreprises d’assurance sont toujours dans une logique de mutualisation, si bien que les territoires les plus exposés ne sont pas pénalisés par des primes significativement plus élevées. En effet, le ratio S/P signale une redistribution nette de la grande majorité des départements métropolitains là encore vers plusieurs d’Occitanie tels que le Tarn-et-Garonne (311 %), les Hautes-Pyrénées (220 %) ou le Gers (180 %) (Chneiweiss et Bardaji, 2020).

Figure 5.10. Indice de sinistralité géographique en France métropolitaine et en Occitanie.
(Source : Chneiweiss et Bardaji, 2020 – données Fédération française de l’assurance (FFA). Cartographie élaborée par Tom Garet pour le CROCC_2021).

Encadré 5.A. L’indice de sinistralité

L’indice de sinistralité (rapport entre nombre de sinistres et matière assurée) permet une visualisation géographique des départements les plus sinistrés par un événement climatique. Cet indice cumule les rangs des trois principaux sinistres climatiques : les inondations, les tempêtes (et la grêle) et la sècheresse. Pour chaque catégorie de sinistres, une pseudo-fréquence est ainsi calculée au niveau départemental sur la période 1989-2018. Pour les inondations et les tempêtes, il s’agit du ratio entre nombre de sinistres et nombre de contrats et pour la sècheresse, de la proportion des communes sinistrées. Comme ces indicateurs ne sont pas homogènes entre eux, une transformation préalable est nécessaire avant sommation. Chaque département est classé de 1, pour le moins sinistré, à 95, pour le plus sinistré. L’indicateur somme les trois classements puis est normalisé entre 0 et 1. Il est à noter que l’indicateur ne tient pas compte du coût de la sinistralité, ce qui constitue une de ses limites. Un sinistre sècheresse ou inondation a, en moyenne, un coût environ quatre fois supérieur à celui d’une tempête (ou d’un épisode de grêle). Également, il n’y a pas toujours correspondance entre la survenance d’un événement naturel et le niveau de sinistralité tel que relevé par les assureurs. C’est évidemment fonction du taux d’assurance mais également de la qualité du bâti. Certaines régions de France comme la Bretagne sont relativement préservées alors qu’elles sont exposées aux tempêtes, signe que le bâti y est particulièrement adapté. Enfin, rappelons que l’exposition inégale des territoires aux événements climatiques est analysée sur une période longue de trente ans, période courte pour une analyse climatologique. Elle exclut ainsi des événements « attendus » non survenus (p. ex. crue de type de celle de 1910 à Paris) mais inclut des événements qualifiés de millénaires (tempêtes Lothar et Martin de 1999). De ce fait, un territoire épargné sur la période étudiée pourrait très bien être exposé dans le futur à la survenance d’événements climatiques extrêmes (Chneiweiss et Bardaji, 2020).

Figure 5.11. Nombre annuel moyen d’arrêtés CatNat (1989 – 2018) pour les inondations et la sècheresse en France métropolitaine et en Occitanie.
(Source : Chneiweiss et Bardaji, 2020 – données Caisse centrale de réassurance (CCR) et FFA. Cartographie réalisée par Tom Garet pour le CROCC_2021)

Figure 5.12. Rapport S/P – Garantie CatNat (1989 – 2018) et TGN (2001 – 2018) en France métropolitaine et en Occitanie. Grille de lecture : un rapport S/P d’environ 70 % correspond à une prime en adéquation à la sinistralité. Les départements en rouge sont des départements où le montant de la prime ne reflète pas la sinistralité. À l’inverse, les départements en vert clair ont des niveaux de prime excessifs par rapport à la sinistralité.
(Source : Chneiweiss et Bardaji, 2020 – données CCR, FFA. Cartographie réalisée par Tom Garet pour le CROCC_2021)