La gouvernance climatique occitane, entre climatisation de l’existant et émergence d’un nouveau modèle ?

Laura MICHEL (UM – CEPEL), Julien WEISBEIN (SciencePo – LaSSP)

Le terme de « gouvernance » désigne, au-delà de l’explosion de définitions et d’usages pluriels qu’il a pu susciter dans de nombreux domaines, l’ensemble des situations de coopération entre autorités publiques et acteurs privés (associations, scientifiques, porteurs de projets et plus généralement citoyens) qui ne sont pas totalement ordonnées par la hiérarchie et qui visent à produire de la décision ou de l’action publique (Pasquier, Simoulin, Weisbein, 2013).

La notion intègre donc, contrairement à celle de « gouvernement » à laquelle elle est bien souvent opposée (figure 11.1), l’idée d’une ouverture des mécanismes de production des politiques publiques, d’une (relative) symétrie des acteurs qui y participent, d’une variabilité des modes de coordination qui s’établissent entre eux, d’un accroissement des matières et des enjeux ainsi abordés par cette technique gouvernancielle. Elle renvoie également d’une forte complexification de l’action publique qui résulte de l’agrégation d’acteurs souvent très hétérogènes, de la difficulté à établir des mécanismes de redditions des comptes, de l’indifférenciation entre la décision et la mise en oeuvre des programme ou bien de la sélection d’instruments visant davantage à faire délibérer les parties prenantes sur une décision qu’à leur faire respecter une norme supérieure.

La question climatique en appelle donc plutôt à la gouvernance qu’au gouvernement et ce, en raison de ses caractéristiques spécifiques que tous les chapitres du Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques (CROCC_2021) ont pu abondamment illustrer jusque-là : sa transversalité, puisqu’elle traverse tous les secteurs de l’action publique régionale, sa complexité ,puisqu’elle entremêle des considérations humaines et biophysiques et reste tissée d’incertitudes, et son importance, puisqu’elle concerne tous les Occitans. On pourrait même parler de gouvernance élargie puisque les mécanismes de décision et surtout d’action dépassent le périmètre politico-administratif ou excèdent le seul aspect règlementaire.

Le but de ce chapitre est donc à la fois de donner des éléments sur la mise en oeuvre à l’échelle de la Région Occitanie de toutes les politiques publiques climatiques mais également de voir, sur la base des chapitres précédents, ce qui fait signe vers une climatisation accrue de ces enjeux sectoriels. Vu d’Occitanie, constate-t-on une convergence ordonnée des politiques sectorielles et territoriales autour d’un mot d’ordre climatique ? Et d’un point de vue plus opérationnel, existe-t-il un véritable programme climatique ?

En l’absence de littérature spécifiquement dédiée à cette problématique de la climatisation des politiques régionales en Occitanie, nous nous proposons d’abord de recontextualiser cette climatisation des politiques régionales dans le processus plus large de re-territorialisation de l’action publique en France, puis d’analyser, à l’aune de la lecture des différents chapitres du CROCC_2021 et à partir de plusieurs variables (comme les budgets dédiés, les instruments sélectionnés, les personnels ou le portage politique qui se nichent derrière ces programmes), quels scénarii tendent à se dessiner, entre dispersion sectorielle, convergence doctrinale ou convergence opérationnelle des politiques occitanes du climat. Il s’agira également, dans une seconde partie, de tirer les conséquences des tendances générales dégagées, enjeu après enjeu.

Figure 11.1. Deux modèles pour conduire l’action publique.
(Source : J. Weisbein)