Le RECO, une organisation frontière sur les changements climatiques

Face à l’accélération des changements climatiques, les organisations territoriales publiques, privées ou associatives sont en attente de résultats scientifiques pour arbitrer leurs choix en matière d’aménagement, d’évolutions des pratiques ou de mise à jour de programmes de sensibilisation. Du côté des scientifiques, il s’agit d’arriver à rendre intelligibles les résultats de leurs travaux, sans tomber dans une simplification trop caricaturale. Dès lors, l’urgence de prendre en compte aussi bien l’accélération des changements climatiques que la complexité de ses interactions avec d’autres problématiques toutes aussi contraignantes nécessite un transfert des connaissances existantes vers les pouvoirs décisionnels, basé sur des langages et des modes de pensées compréhensibles par tous. Le concept d’« organisations frontières »

Le concept d’organisation frontière

est issu de travaux en sciences humaines et sociales. Il désigne des organisations intermédiaires mises en place pour réunir des acteurs de différentes communautés. Cette forme particulière d’organisation mise sur une volonté commune de se rassembler tout en permettant de conserver son identité, d’exposer ses enjeux et d’être capables d’arriver à trouver des intérêts convergents afin de défendre un objectif commun. Les organisations frontières peuvent prendre la forme de réseaux, d’institutions ou d’organisations sociales qui opèrent une hybridation et une circulation d’informations entre plusieurs communautés, généralement entre la sphère scientifique et décisionnelle. Concernant les changements climatiques, le Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (GIEC) en constitue l’exemple type.

Plusieurs travaux montrent que les organisations frontières favorisent la coproduction de connaissances, mettent en interaction différentes sphères sociales et rendent possible une action coordonnée (Cash et al., 2003). Trois caractéristiques les distinguent :

  1. elles impliquent des rôles spécialisés au sein de l’organisation ;
  2. elles ont des responsabilités claires vis-à-vis des arènes sociales situées de part et d’autre des frontières ;
  3. elles favorisent des espaces de dialogue dans lesquels l’information peut être coproduite par les acteurs de différents bords.

Parmi les caractéristiques principales associées à une organisation frontière, on retrouve également son indépendance d’action et une communication active, itérative et inclusive entre experts. Cette dernière est cruciale pour mobiliser des connaissances scientifiques considérées comme essentielles, crédible et légitimes. Lier ces connaissances à l’action nécessite également l’ouverture de canaux de communication entre les experts, les thématiques et les décideurs, ce qui requiert que les participants puissent se comprendre au-delà des jargons, codes ou langages de chaque sphère mobilisée. Toutefois, si un effort de traduction peut faciliter la circulation de l’information entre les experts et les décideurs, les compromis restent fondamentaux.

Tour d’horizon d’organisations frontières sur les changements climatiques

Pionnière, l’United Kingdom Climate Impacts Programme (UKCIP) fut établie en 1997 à l’Environmental Change Institute de l’Université d’Oxford afin de développer les connaissances sur les impacts des changements climatiques au Royaume-Uni et de les échanger avec les décideurs en vue d’améliorer l’adaptation du pays en réunissant scientifiques et praticiens.

Ouranos est un consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques installé à Montréal (Canada) depuis 2001. Il fut mis en place dans la foulée d’événements climatiques extrêmes majeurs (inondations du Saguenay en 1996, crise du verglas en 1998). Né d’une vision commune entre le Gouvernement du Québec, Hydro-Québec et Environnement Canada, Ouranos permet à des experts et scientifiques de différents horizons et intérêts de travailler en réseau afin de développer des applications et informations qui pourront être plus facilement opérationnalisées par des acteurs territoriaux impliqués à toutes les étapes.

De nombreuses organisations frontières sur le climat, ou « groupes régionaux d’experts sur le climat (GREC) » (préféré ici à l’expression « GIEC local ») sont en place ou en émergence en France (carte). Parmi celles-ci, notons les deux voisins est-ouest du RECO :

  • AcclimaTerra, qui a fait suite à un groupe transdisciplinaire créé en 2011 à la demande du Conseil Régional d’Aquitaine pour mener une mission d’expertise sur les impacts climatiques en Aquitaine. Présidé par Hervé Le Treut, AcclimaTerra répond au souhait du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine de doter le territoire régional d’un groupe d’experts scientifiques permanent, indépendant, capable d’apporter aux acteurs du territoire les connaissances nécessaires à leurs stratégies d’adaptation aux changements climatiques.
  • le groupe régional d’experts sur le climat en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-Sud) créé en 2015, dont la mission générale est de sensibiliser les publics et transférer les connaissances scientifiques sur le changement climatique vers les acteurs du territoire afin d’informer les gestionnaires dans l’optique d’une meilleure compréhension et d’une prise en compte des résultats scientifiques dans les politiques publiques.

Missions et réalisations du RECO

Dans la lignée de ces émergences, le RECO fut lancé en novembre 2017 avant de devenir une association loi 1901 en mars 2019, puis d’être coporté en tant que plateforme d’expertise sur les changements climatiques par les deux Maisons des sciences de l’hommes d’Occitanie (MSH-Sud de Montpellier et MSH de Toulouse) en 2021. Son objectif principal est de rapprocher les connaissances, les initiatives et les réseaux portant sur les changements climatiques à l’échelle de la région Occitanie dans le but d’éclairer les décisions en matière de stratégies et d’actions locales d’adaptation. Pour ce faire, il s’appuie sur trois missions : 1) accompagner le transfert des connaissances ; 2) assurer un rôle d’interface et 3) demeurer un appui à la décision locale.

Depuis ses débuts, plusieurs réalisations ont marqué le cheminement progressif du RECO, notamment :

  • la création de l’outil en ligne de Cartographie de l’action climatique en Occitanie (CACO) ;
  • l’élaboration conjointe avec le GREC-Sud du Cahier Territorial Cévennes et Changements climatiques suite à la commande du Parc national des Cévennes pour leurs 50 ans ;
  • la co-organisation d’un cycle de webinaires abordant différents sujets d’intérêts communs entre la France et le Québec en matière d’adaptation au changement climatique avec Ouranos et Futurs-Act ;
  • mise en place d’une première version d’un annuaire des scientifiques et des acteurs territoriaux d’Occitanie travaillant sur les changements climatiques ;
  • le partenariat avec des événements locaux (La Mer Monte, du Parc naturel régional de la Narbonnaise, Carrefour Climat, du Parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises) ;
  • l’organisation d’événements comme la Journée de rencontres scientifiques sur les changements climatiques en Occitanie ;
  • ou encore la participation à des comités (Parc national des Pyrénées, Parc naturel régional de la Narbonnaise).

Le CROCC_2021 constitue ainsi une réalisation de plus dans ce cheminement.

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