Andreas ERIKSSON (UPS – LERASS)
Si l’adoption de comportements pro-environnementaux par les concitoyens fait l’objet d’un intérêt accru dans les institutions publiques pour limiter les émissions de CO2 liées aux postes de consommation des ménages, elle est une question particulièrement investie, non seulement par les recherches en psychologie sociale, mais aussi en communication environnementale. Ces deux disciplines soulignent un écart entre une préoccupation environnementale croissante et une stagnation, voire une baisse, des actions en faveur de l’environnement. D’une part, les déterminants psychosociaux des comportements écologiquement responsables comme les écogestes (p. ex. tri, réduction de la consommation d’énergie et d’eau, les achats responsables, la mobilité douce, régime végétarien) ont été bien identifiés. D’autre part, les différentes études de stratégies en communication environnementale ont pu mettre en lumière les leviers qui favorisent l’engagement dans ces pratiques.
Depuis une vingtaine d’années, les psychosociologues relèvent, aussi bien en France qu’à l’international, un « gouffre vert » entre des fortes intentions d’agir et une faible adoption de ces actions en faveur du climat (figure 12.1). Ces études identifient les connaissances des enjeux climatiques, les informations concernant les écogestes à mettre en place et un positionnement (attitude) favorable pour agir en faveur du climat comme des éléments indispensables mais insuffisants pour passer à l’action.
En effet, si en France la majorité des citoyens a une bonne compréhension des comportements qu’elle peut adopter pour limiter les émissions de CO2, et a une réelle préoccupation climatique, nous sommes plusieurs à observer quatre freins principaux expliquant ce gouffre :
- Premièrement, bien que la fréquence et l’intensité des évènements climatiques soit en hausse, le réchauffement climatique s’avère encore être 1) un événement psychologiquement distant dans ses dimensions temporelle (horizon 2100) et spatiale (fontes des banquises), et n’engage pas les citoyens à agir « ici et maintenant » dans leur quotidien.
- Deuxièmement, face à l’ampleur et la complexité des enjeux climatiques, les Français ont 2) un sentiment d’impuissance et une faible perception de leur capacité à agir pour mitiger ces événements d’ordre global.
- Troisièmement, les différents scénarios climatiques produits par les instances scientifiques (p. ex. GIEC) sont de plus en plus alarmistes, et l’amplification par les médias de masse suscite 3) une anxiété climatique croissante, c’est-à-dire une peur chronique de l’emballement climatique qui s’avère être potentiellement paralysante lorsque la perception du danger de la catastrophe est démesurément accentuée (voir chapitre-enjeu Santé).
- Finalement, s’ajoute à ces constats, une observation générale 4) de manque d’engagement sensible et sensoriel avec la nature qui inhibe une réelle sensibilité et la construction d’une identité environnementale propices aux comportements écologiques.

Figure 12.1. L’engagement écologique.
(Source : Rif, 2020).